Le sel, c'est cette matière blanche qui rend les aliments si savoureux ; on lui reproche parfois d'être piquant, mais c'est ce piquant qui fait son charme. L'arabe Imelh' et le berbère tissent ont d'ailleurs, en plus du sens de «sel», celui de «charme». Ce sens se retrouve également en arabe classique : le prophète Mohamed était surnommé AI-Malih' (le charmant), épithète que nous avons féminisée dans les prénoms kabyles bien connus : Malh'a et Mlih'a. Le nom du sel a également servi à former un adverbe courant dans les langues algériennes : mlih' (bien, très bien). Si le sel est associé au charme, la fadeur, elle, est associée à tout ce qui est commun, vulgaire, disgracieux, mesas (fade), dit-on, terme berbère également employé en arabe. Le sel, qui donne à la vie sa saveur, est aussi une substance magique, utilisée pour lutter contre le mauvais ?il et les sortilèges. On dit rrmi Imelh' (jette du sel) pour conjurer le mauvais sort et on met un petit nouet de sel dans la poche pour s'en préserver. Un rite d'expulsion du mal consiste à faire «tournoyer» au-dessus de la tête une poignée de sel que l'on jette ensuite. Gare à celui qui marcherait dessus : le mal expulsé lui serait aussitôt transmis ! Enfin, on conjure les mauvais rêves en jetant du sel : que le rêve ne se réalise, dit-on, que lorsque le sel aura germé ! Au charme et à la force magique du sel, on ajoute le pouvoir de l'argent : melh' lyed en arabe et Imelh' ufus en berbère, (sel de main) signifient «gratification», voire «pots de vin» versés en échange d'un service rendu.