Témoignages - L'exposition «Photographes de guerre, les djounoud du noir et blanc», organisée par le Musée d'art moderne et contemporain, était une occasion de rencontrer ceux qui ont immortalisé sur les clichés le maquis lors de la Guerre de Libération nationale. Pierre Clément, un réalisateur français, est «le cinéaste révolutionnaire» à qui on doit plusieurs œuvres sur la guerre d'Algérie. Les plus connues sont : ‘Sakiet Sidi Youssef' et ‘Réfugiés'. Il nous a quittés en 2007. Son épouse Nicole Rein a tenu, malgré son âge, à venir pour présenter les deux films précieusement sauvegardés. Elle raconte avec une grande émotion, le combat et l'acharnement de son mari pour la réalisation de ces films. «L'image produit plus d'émotions et elle vaut mille discours, et c'est pour cette raison que Pierre Clément, bouleversé par les bombardement de Sakiet Sidi Youssef, y a fait le déplacement pour réaliser le film en 1958. Il voulait à tout prix faire des images pour que l'extérieur sache ce qui se passait. Il travaille avec Ahmed Boumendjel et l'aide à créer un service de cinéma algérien. Pendant la réalisation d'un autre film sur l'ALN au combat, près de la ligne Morice, il est arrêté et torturé, il attendra un an pour être jugé et condamné à une peine maximale, considérant que ses images portaient atteinte à la sûreté de la France», raconte-t-elle. A la faveur de cette exposition, Marc Granger a offert une dizaine de photos. «En dix jours, j'ai photographié 2 000 personnes, et je commençais à m'apercevoir que c'était un viol de la part de l'armée française, ça me rappelait les portraits faits en Amérique des Indiens persécutés, et c'est dans cette optique que ces photos ont été commandées», raconte-t-il. Et d'ajouter : «Au départ, je ne voulais pas participer à cette guerre qui n'avait pas de sens. J'ai retardé mon service militaire de cinq années, pensant qu'elle serait finie. Mais en 1960, la guerre était toujours là. En arrivant en Algérie, j'ai compris que les mots n'étaient plus utiles et c'est par la photo que je voulais m'exprimer pour réagir contre cette guerre. En réalisant le portrait du colonel Bencherif, qu'on voulait montrer en traître, alors que la photo en disait long sur sa bravoure et son humilité, mon supérieur a alors compris que je n'avais pas le même regard que lui sur cette guerre. J'ai adhéré à la cause algérienne sans être en contact avec le FLN. Mon seul regret maintenant, c'est de n'en avoir pas fait assez.» Marc Granger a pris 20 000 photos pendant son service militaire en Algérie. Il a réalisé 2 000 portraits d'Algériens, suite à une commande de l'armée française pour établir des pièces d'identité pour la population arabe, en vue de construire de nouveaux villages ou procéder à des regroupements. - Le parcours de Vittorugo Contino est singulier. Cet Italien, cameraman dans les productions hollywoodiennes de la MGM et de la Warner Bros, dont ‘Ben-Hur', décide, en 1958, de faire un voyage clandestin en Algérie pour comprendre la Révolution algérienne. Il effectuera ainsi un important reportage photographique sur la vie des maquisards. Il y retourne une seconde fois pour faire un documentaire sur le Front de libération. S'exprimant sur ses photos exposées au musée, il dit : «Ce sont des photographies où j'ai mis tout mon savoir-faire pour transmettre les sentiments à travers l'image qui est un aspect important dans la communication des messages. Je n'ai jamais oublié l'Algérie, comme elle ne m'a pas oublié, puisqu'en 2004 j'ai eu l'honneur de recevoir la Médaille d'or des moudjahidine, en reconnaissance de mon engagement pour la cause algérienne.»