Essentiel - Le rafraîchissant et délicieux sorbet au citron appelé communément «cherbet Blida», a, de tout temps, constitué un élément indispensable au repas des Blidéens durant le mois sacré. Toutefois, la réduction ces dernières années des superficies consacrées à la culture des agrumes dans la wilaya a porté un coup fatal à cette boisson authentique, dont l'ingrédient principal (le citron), devenu inaccessible à cause de ses prix élevés, est désormais remplacé par des acides (acide citrique) et des extraits aromatiques et autres colorants. Et pour cause, la ville de Blida, dont la cour de chaque maison était ornée, jadis, d'un citronnier aux fleurs odorantes, n'est plus ce qu'elle était, car l'architecture moderne des nouveaux édifices a gommé les espaces verts, d'où la disparition des citronniers dans une grande majorité des maisons. Un comble pour une ville fondée par un amoureux des fleurs et des plantes, Sid Ahmed Lekbir, auquel elle doit son nom de «Ville des Roses». C'est durant ces chaudes journées du mois sacré que ce sorbet vitalisant, ou ce qu'il en reste, fait son retour en force sur les marchés de Blida, où des jeunes et des adolescents notamment, s'improvisent en préparateurs et vendeurs de cette boisson, fort prisée par les citoyens. Ne s'encombrant d'aucun scrupule quant aux conditions d'hygiène de sa préparation, ces vendeurs occasionnels proposent cette «boisson», qui dans des sacs en plastiques exposés sur des tables au niveau des artères principales et des marchés, qui dans des réfrigérateurs posés à même les trottoirs, avec une petite inscription qui se veut alléchante«Cherbet Boufarik», en référence à la ville des agrumes et qui sera écoulée à 40 DA le litre. Mais tous conviennent que cette «cherbet» n'a aucun rapport avec le produit d'antan, cela d'autant plus que les conditions de sa préparation laissent à désirer. «Comment une boisson malaxée avec un manche à balai et préparée dans un bidon peut-elle prétendre prendre la place de la véritable cherbet de Blida ?», s'interroge le chercheur en histoire locale, Youcef Ouraghi, à ce propos. Mise à part la couleur jaune, il n'existe, en effet, aucune comparaison entre la «cherbet» de jadis faite à base de jus de citron sucré, aromatisée avec de la vanille à laquelle sont ajoutées quelques gouttes d'essence d'eau de rose pure ou de jasmin, et cette «solution» vendue en sachet, que d'aucuns tentent de faire passer pour de la véritable «cherbet» en y ajoutant quelques minces tranches de citron. Une situation qui révolte Ami Youcef, qui ne se résigne pas à oublier ce nectar de jadis, que la maîtresse de maison préparait avec des citrons cueillis à même le citronnier de sa petite cour, lesquels étaient pressés avant d'y ajouter du sucre et quelques gouttes de «ma zhar» ou «ma ward» (eau de fleurs), avant d'y rajouter quelques fleurs de jasmin, une autre plante séculaire des vieilles maisons de Blida, aujourd'hui en voie de disparition. Le prix du citron aujourd'hui, écoulé à plus de 100 DA le kilo pour le citron local et à plus de 200 DA pour celui d'importation, n'est pas fait pour encourager une majorité des vendeurs à perpétuer la recette originale de cette boisson, qui se fait, désormais, à base d'acide citrique et d'extraits divers. Pour éviter à leurs familles d'ingurgiter ces boissons douteuses – appelées «cherbet» – pouvant même être néfastes à la santé, inondant le marché, la plupart des maîtresses de maison de Blida achètent, durant la période de maturation du fruit, de grandes quantités de citron à bas prix, qu'elles s'emploient à presser avant de les mettre au congélateur. Ainsi, elles disposent de jus de citron à profusion pour en faire de délicieuses «cherbet el-qares», rafraîchissantes, durant la saison chaude, qui coïncide cette année avec le mois du ramadan.