Une opération de nettoiement et d'embellissement de cette légendaire citadelle vient d'avoir lieu. Mais il est clair qu'il en faut plus pour rendre à La Casbah le respect, la dignité et son lustre d'antan. Que des rues ayant servi de théâtre à de hauts faits d'armes de la Révolution ne soient plus souillées et transformées en dépotoirs ! Présente à cette cérémonie, Djamila Bouhired, qui a participé à l'opération pioche à la main, a encouragé l'initiative qui a rompu le climat d'abandon qui régnait dans des rues et quartiers historiques comme la rue de Thèbes, théâtre du premier attentat à la bombe à Alger en 1956. La présidente de l'association«Les amis de La Casbah a tenu à préciser que l'opération a privilégié les lieux symboliques de la Bataille d'Alger. «Préservez au moins la mémoire de nos moudjahidine», avait-elle supplié dans une récente et émouvante intervention sur les ondes de la Chaîne III en exhortant à une prise de conscience générale, notant que l'insalubrité règne dans la majorité des rues de la Casbah littéralement ensevelie par les immondices, particulièrement la rue des Abderames, où un certain 8 octobre 1957, les paras français dynamitaient la cache de Hassiba Ben Bouali, Ali La Pointe, le petit Omar et Mahmoud Bouhamidi. Ne pouvant retenir son émotion, elle éclate en sanglots en direct et d'une voix nouée, elle supplie les citoyens des respecter la mémoire des héros de La Casbah en préservant ces lieux historiques de toute dégradation et souillure. La Casbah, âme et cœur battant d'Alger, se meurt dans l'indifférence. Peu de mesures ont été prises et sans doute pas assez rapidement depuis, pour protéger ses 105 hectares et plus d'un millier de maisons restantes. Pour son sauvetage, des plans se succèdent depuis trois décennies échouant les uns après les autres à sauver du naufrage l'antique cité, s'accorde-t-on à dire dans différents milieux. Bien qu'inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, La Casbah d'Alger, l'un des plus beaux sites maritimes de la Méditerranée et l'une des cités les plus riches en histoire de la région, reste menacée. Cette ville dans la ville, avec sa citadelle du XVIe siècle des frères Barberousse, ses mosquées, ses palais ottomans, ses hammams et ses maisons, a subi les tremblements de terre, les incendies et les inondations qui ont fragilisé ses constructions quand ils ne les ont pas tout simplement détruites. Ce n'est pas tout. La Casbah fait face à une problématique d'une autre nature d'autant que ses ruelles sont obstruées par des détritus entreposés ici et là depuis de longues années. Entre les échafaudages, armatures en bois ou poutres métalliques qui retiennent les murs, des terrains vagues remplis de détritus malodorants font le bonheur des chats errants avec tous les dangers que cela peut représenter. Le constat est effarant : La Casbah compte aujourd'hui moins de 600 maisons contre plus de 1 700 à sa construction. Certains des plans conçus pour la sauver sont restés sans suite, alors que d'autres ont été stoppés net, dès leur lancement, avec le départ des responsables chargés de leur exécution. Entre manque de financement et de main-d'œuvre ou encore absence de volonté politique, les habitants de La Casbah comme l'ensemble des Algérois, inquiets de voir disparaître à jamais un pan entier de la mémoire d'Alger, se perdent en conjectures devant tant de gâchis, impuissants qu'ils sont à expliquer l'échec des tentatives de restauration de la vieille cité.