Election - Les Maliens ont commencé à voter ce matin à 8h (GMT et locales) pour élire un nouveau Président qui aura pour mission de sortir le pays de 18 mois de crise politico-militaire. La plupart des bureaux à Bamako ont ouvert à l'heure, mais dans plusieurs autres, peu d'électeurs étaient présents alors qu'une forte pluie tombait sur la capitale malienne. «La pluie veut gâcher notre journée, j'espère que ça va cesser, sinon il faudra prolonger le vote», a déclaré un électeur, un des rares électeurs présents dans un centre de vote installé dans une école du centre-ville. Un autre constate que dans ce même bureau, il n'y a presque personne, alors «qu'au premier tour, à 8h, il y avait déjà beaucoup de monde». «Il faut que la pluie nous laisse accomplir notre devoir civique, c'est l'avenir du Mali qui est en jeu». Près de 6,9 millions de Maliens élisent aujourd'hui leur nouveau président, devant choisir entre Ibrahim Boubacar Keïta et Soumaïla Cissé pour sortir leur pays de dix-huit mois d'une grave crise politico-militaire. Ce second tour de la présidentielle, deux semaines après un premier tour réussi, le 28 juillet, s'est déroulé en dépit de craintes d'attentats jihadistes. Il n'y a pourtant eu jusque-là aucune perturbation de cet ordre, d'autant que ce scrutin est surveillé par plusieurs centaines d'observateurs nationaux et internationaux et sa sécurité est assurée par l'armée malienne, les Casques bleus de la Minusma et l'armée française. La tâche du vainqueur sera rude, car le Mali vient de vivre la plus grave crise de son histoire récente qui a laissé exsangue ce pays de quelque 14 millions d'habitants. Cette sombre période a débuté en janvier 2012 par une offensive de rebelles touareg dans le nord du pays, suivie en mars 2012 par un coup d'Etat qui a renversé le président élu Amadou Toumani Touré, puis de la prise du contrôle du Nord par des groupes criminels et des jihadistes qui ont humilié l'armée et commis de nombreuses exactions avant d'en être chassés en 2013 par une intervention militaire internationale initiée par la France, toujours en cours. Ce conflit a poussé 500 000 personnes à fuir leurs domiciles, il a accentué la pauvreté et ravivé les haines entre les différentes communautés du pays, touareg et arabes d'un côté assimilés aux rebelles et aux jihadistes, Noirs majoritaires de l'autre. Le nouveau président devra redresser l'économie du pays et entamer le processus de réconciliation, en particulier avec la minorité touareg. Les quelques centaines de milliers de touareg du Mali vivent essentiellement dans le Nord désertique qui a déjà connu plusieurs rébellions depuis l'indépendance du Mali en 1960 : une partie d'entre eux rêve d'indépendance ou au moins d'autonomie. Deux solutions rejetées avec fermeté par les deux candidats, car elles mèneraient à la partition du pays. Pour développer le nord du Mali et tenir compte de l'identité spécifique des touareg, ils misent sur une politique de décentralisation plus poussée. Bras de fer : IBK - Soumi Les deux candidats en lice, arrivés en tête du premier tour, sont des vétérans de la vie politique malienne : Ibrahim Boubacar Keïta dit IBK, 68 ans, est un ex-Premier ministre, et Soumaïla Cissé surnommé «Soumi», 63 ans, un ex-ministre des Finances et un ancien responsable de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa). Keïta, fort de son avance de 20 points (39,79% des voix au premier tour, contre 19,70% pour Cissé), semble largement favori, d'autant qu'il a reçu le soutien de 22 des 25 candidats éliminés au premier tour dont la majorité a obtenu moins de 1% des suffrages. Mais Cissé table sur une mobilisation plus forte encore qu'au premier tour — 48,98%, un taux historique au Mali — et sur une partie de près de 400 000 bulletins déclarés nuls le 28 juillet. «Il ne s'agit pas de compléter les résultats du premier tour, c'est une nouvelle élection», affirme-t-il. Se réclamant de la gauche, charismatique, charmeur et bon vivant, Keïta apparaît aux yeux de ses partisans comme un «homme d'Etat fort», seul capable de redresser le Mali. Ceux de Cissé, économiste chevronné et courtois, mettent en avant ses compétences de gestionnaire. «La guerre est finie, maintenant, et il faut travailler dur», dit l'un d'eux.