Décadence Qui se souvient du «haïk» dont se voilaient nos mères ? On peut d?emblée dire que la jeune génération connaît très peu le voile traditionnel de ses aînées. Supplanté par la djellaba et le hidjab, le haïk n?a plus droit de cité ni dans les grandes villes ni dans les villages. Il est devenu rare aujourd?hui de croiser dans la rue une femme voilée comme autrefois, lorsque le haïk faisait partie de la panoplie de la gent féminine. Il constituait un rempart contre le regard des hommes et un moyen de s?identifier, notamment durant la colonisation quand les femmes opposaient le port du voile aux tentatives de «perversion» opérées par l?occupant. Quelle que soit la région à laquelle on s?identifiait, le haïk était de mise. Les filles le portaient dès l?âge nubile et il faisait partie du trousseau de la mariée. La future belle-famille devait l?offrir à celle qui sera sa belle-fille, le fait qu?elle puisse sortir sans haïk n?étant même pas envisageable. Le «m?remma» était encore mieux, car il rehaussait l?allure de la femme par sa souplesse et sa beauté. Il était à cette époque la référence puisqu?il symbolisait l?aisance matérielle et le goût pour l?esthétique. Mais la déchéance du haïk allait commencer, lentement mais sûrement. Sa résistance allait finalement céder devant l?occidentalisation des tenues vestimentaires au lendemain de l?indépendance. Les femmes se «civilisaient», selon le terme de l?époque, souvent à la demande des époux qui avaient fini par considérer le voile comme rétrograde. Son abandon était devenu à la mode ; on se souvient même d?une militante de la cause algérienne qui s?en couvrait avant d?y renoncer une fois l?indépendance acquise. Mais le coup fatal lui a été porté vers les années 1980 avec la montée de l?islamisme. Le chamboulement des habitudes vestimentaires a touché jusqu?aux vieilles femmes qui ont troqué leur voile contre le hidjab. Le burnous a, lui aussi perdu de son aura. Les hommes ne s?en enveloppent plus volontiers par temps froid, préférant le pardessus ou la parka. Mais ce n?est pas la disgrâce, le burnous étant quand même présent dans certaines régions du pays où l?on continue à en produire, notamment dans les zones pastorales. S?il y a gardé ses notes de noblesse, c?est en même temps pour des raisons économiques et par nécessité, l?hiver étant rude dans ces contrées. Dans les grandes villes, en revanche, il est l?apanage des vieux.