Reconnaissance Une rencontre a permis à ceux qui ont connu ce grand homme de mettre en valeur son travail, ses idées, ses idéaux. Dans une allocution introductive, Amine Zaoui, directeur de la Bibliothèque nationale, a déclaré : «Ce colloque est organisé pour rendre hommage à une grande figure de la pensée contemporaine. C?est d?abord rendre hommage à l?enfant, au fils de l?Algérie, puisqu?il est né en 1910 à Tiaret ; c?est ensuite un hommage à celui qui a milité pour la paix, pour le rapprochement des peuples, des cultures et des civilisations ; c?est aussi un hommage à celui qui se définissait comme étant le passeur. Jacques Berque était ? et est ? un homme de bien, infatigable et passionné par la langue arabe, d?où l?intérêt qu?il portait au monde arabe, ses cultures et sa religion. Il est, de ce fait, une figure emblématique du dialogue et de la compréhension et le défenseur des causes justes dans le monde.» Ont pris part à ce colloque de nombreuses personnalités intellectuelles aussi bien algériennes que françaises. Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre français et ami proche de Jacques Berque a, dans une admirable communication, cité les mérites du philosophe et parlé de sa pensée. L?intervenant a tenu à louer l?initiative entreprise par la Bibliothèque nationale d?avoir organisé pareil séminaire, car «c?est une opportunité pour nous réunir et intensifier la coopération entre l?Algérie et la France, et forger ce que Jacques Berque appelait les nouvelles Andalousies». «La pensée de Jacques Berque s?inscrit dans cette démarche qu?est la recherche d?une coopération efficace entre le Nord et le Sud, et sa pensée présente des méthodes ayant pour objectifs d?approcher l?autre, d?instaurer des rapports dialogiques, d?organiser l?expression, la communication, l?échange et la compréhension.» Jacques Berque se voulait un pont entre les deux rives de la Méditerranée par le biais de ses écrits et de sa pensée. «Il était par ailleurs, poursuit-il, un homme de lumière, un éclairé, parce qu?il préconisait une philosophie qui encourage d?instaurer, de renouer les dialogues pour faire face aux guerres des civilisations. Sa pensée d?une remarquable constante engage les hommes à créer un espace franco-maghrébin, euroméditerranéen, et y inscrire un dialogue fécond entre les peuples et les civilisations, et y tisser des liens profonds». L?intervenant invite, à travers la pensée de Jacques Berque, à promouvoir les initiatives pour aboutir à la connaissance de l?autre et à entreprendre le chemin menant à l?universalité. «Il faut trouver ensemble des chemins d?universalisation, et non pas imposer des valeurs universelles.» Jean Sur, lui aussi, a connu Jacques Berque. Il était un ami proche. Il s?est adressé à l?assistance pour parler, raconter, décrire Jacques Berque, à travers sa personnalité, sa pensée et sa philosophie, et cela en évoquant des anecdotes, quelques souvenirs et bien d?autres épisodes de sa vie avec le maître, venant ainsi jeter un éclairage nouveau sur le philosophe et ses réflexions. «Jacques Berque était un humaniste : c?était quelqu?un qui ne voulait pas posséder le monde, mais plutôt l?aimer ; il cherchait une connivence de sensibilité ; c?était un homme de l?introspection, de la poésie, des lettres, de la recherche?» Mustapha Chérif, disciple de Jacques Berque, a défini le rapport entre l?homme et l?islam. «Avant de mourir, en 1995, Jacques Berque a demandé à ses proches qu?on lui lise, à ses obsèques, la Fatiha. Quel beau signe de rapprochement entre le maître et l?islam.» Cela témoigne de l?attachement, voire du lien étroit et particulier qu?avait Jacques Berque avec l?islam. Une relation intellectuelle et une fascination par l?aspect rationnel de l?islam. La réflexion de Jacques Berque consiste à réaliser une synthèse entre les peuples et les cultures, un accord sur l?essentiel, sur l?authenticité et la modernité, sur l?ouverture et la reconnaissance de soi. Jacques Berque s?est intéressé à l?Islam parce que c?est une relation méconnue de l?Occident. Il a fait l?effort de le faire connaître et de l?enseigner aux siens, et de le réhabiliter, dépassant ainsi les pesanteurs, les différences et les antagonismes. «Jacques Berque voulait, à travers son rapport avec l?islam, construire une nouvelle humanité, une humanité vraie, et ce toujours avec le dialogue des civilisations, la compréhension, le respect et la tolérance», a-t-il dit. Jacques Berque a traduit, interprété et défendu avec ferveur et dans un intellectualisme rationnel l?Islam ; il a défendu la cause, juste et rationnelle de l?Islam. «Et si Jacques Berque s?est attaché à l?Islam, et que l?Islam est devenu l?objet de ses réflexions, un élément de sa philosophie, c?est seulement parce que l?Islam offre un dénominateur commun auquel tous, tous les peuples de cultures différentes, peuvent s?identifier ; en somme, c?est une religion, disons une philosophie qui offre l?essentiel, le vrai de l?humain», a-t-il conclu. Le colloque sur Jacques Berque se poursuit aujourd?hui à la Bibliothèque nationale d?El Hamma et s?achèvera lundi à Frenda (Tiaret), à l?annexe de la Bibliothèque nationale.