Evocation - Un émouvant hommage a été rendu, hier, à Paris, à l'écrivain algérien Mouloud Feraoun qui a payé de sa vie son engagement pour son pays et son humanisme exemplaire. Cet hommage, organisé par l'Institut du monde arabe (IMA) et la revue AWAL, a été rendu à la faveur de la 12e semaine des cultures étrangères et du centenaire de la naissance de cet écrivain, excellent analyste de la société algérienne durant l'occupation coloniale et témoin remarquable de son siècle. Des sociologues, journalistes, écrivains et universitaires se sont relayés pour revenir, devant un public nombreux et des membres de la famille du défunt, sur le parcours littéraire et humaniste de celui qui, à travers ses nombreux écrits, a condamné avec force le système colonial qui a prévalu en Algérie durant cette époque , dénonçant l'injustice des autorités coloniales et la répression féroce de l'armée française. «Mouloud Feraoun a été un grand écrivain qui a vécu douloureusement le drame colonial et le déchirement, le délitement de son propre pays», dira le journaliste Lokman Younes, rappelant que l'auteur a été un des pionniers de la littérature algérienne d'expression française. «Ce fut un homme et un écrivain incompris des deux bords et malheureusement peu ont saisi la quintessence du personnage qui reconnaissait le caractère oppressif du système colonial en Algérie, qualifiant la période coloniale de ‘'siècle de colonisation égoïste'' et affirmant que la France ‘'n'a pas laissé aux Algériens un autre choix que de recourir à la violence'' et que ‘'tout autre voie était bouchée'', mais qui, en même temps, ne cessait d'appeler à la fraternité entre les deux peuples», dira-t-il. De son côté, Mme Tassadit Yacine, directrice d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), a relevé que cet auteur est né et a été formé dans une région marquée par une série de répressions coloniales et présentait toutes les dispositions pour rendre compte des contradictions du système colonial, «tout en étant formé par celui-ci». «Feraoun devient alors une espèce de résistant culturel irrémédiable, qui exprimait son attachement au peuple algérien, à ses valeurs, à ses résistances paysannes», dira-t-elle. Tahar Bekri, poète et maître de conférences à l'Université de Paris X Nanterre (Hauts-de-Seine), dira, pour sa part, dans un exposé sur la vie et l'œuvre de Mouloud Feraoun, que cet auteur s'est longuement exprimé dans ses nombreux ouvrages sur les principes de solidarité, sur la vie communautaire avec ses douleurs et ses joies. «La pauvreté ne rend pas servile l'individu, elle se combat par la connaissance et le savoir, voilà le message que transmettait cet écrivain à travers ses œuvres», a témoigné cet universitaire, ajoutant que son œuvre est «une leçon de vie».