Bras de fer - L'opposition et les islamistes tunisiens au pouvoir peinaient encore ce samedi, à s'accorder sur le nom du futur Premier ministre indépendant qui doit être annoncé aujourd'hui... Ce dernier aura la lourde tâche de sortir le pays d'une crise politique nourrie par les violences jihadistes. Le syndicat UGTT, principal médiateur de la crise, a annoncé dans la nuit de vendredi à samedi que la classe politique avait décidé de créer une nouvelle commission de négociations pour tenter de départager les candidats en lice. Selon des représentants des partis politiques cités dans les médias tunisiens, les négociateurs n'ont pas réussi à départager deux candidats: Mohamed Ennaceur, 79 ans, et Ahmed Mestiri, 88 ans, des vétérans de la vie politique qui ont été ministres du premier président et père de l'indépendance, Habib Bourguiba. Selon la presse, Ennahda et son allié laïc de gauche Ettakatol soutiennent M. Mestiri, tandis que l'essentiel de l'opposition s'est rangée derrière M. Ennaceur. Le dialogue national entamé il y a une semaine doit déboucher sur la nomination de la personnalité qui devra succéder au Premier ministre islamiste Ali Larayedh et conduire la Tunisie vers des élections. M. Larayedh a cependant conditionné son départ à l'application stricte du calendrier des négociations, qui prévoit la mise en place d'une législation et d'un calendrier électoral ainsi que le lancement de la procédure d'adoption de la Constitution, en cours de rédaction depuis deux ans. Sa démission formelle ne doit d'ailleurs pas intervenir avant la mi-novembre. Et le calendrier des négociations a déjà pris du retard sur un autre front: l'élection des membres de la future commission électorale par l'ANC, prévue à l'origine pour aujourd'hui, a dû être reportée. Un tribunal administratif a en effet notifié à la Constituante qu'elle devait attendre la promulgation de la loi créant cette instance et sa publication au journal officiel avant de procéder au choix de ses membres. Le «dialogue national» en cours vise à sortir la Tunisie de la profonde impasse dans laquelle elle est plongée depuis l'assassinat le 25 juillet du député d'opposition, Mohamed Brahmi, attribué à la mouvance jihadiste. L'incertitude politique et l'essor jihadiste continuent en outre de déprimer l'économie tunisienne, déjà anémique avant la révolution de 2011 dont les principaux facteurs avaient été la pauvreté et la misère. Arrivés au pouvoir après l'élection de la constituante en octobre 2011, les islamistes ont été considérablement affaiblis par la multiplication des crises politiques, les assassinats de deux opposants, les heurts avec les jihadistes et les polémiques sur leurs tentatives supposés «d'islamiser» la société tunisienne.