Les partis tunisiens se réunissent vendredi pour des pourparlers à la veille de l'annonce prévue du nom du prochain Premier ministre qui succédera au pouvoir aux islamistes d'Ennahda dans un contexte de crise politique et de violences terroristes. Selon le syndicat UGTT, principal médiateur du dialogue national, les chefs de partis doivent en fin de matinée reprendre leurs pourparlers pour s'accorder sur le nom du prochain chef de gouvernement, un indépendant qui aura deux semaines pour composer un cabinet apolitique. "L'annonce est toujours prévue pour samedi", selon le service de presse de l'organisation syndicale, en conformité avec le calendrier des négociations lancées il y a une semaine. Selon les médias et responsables tunisiens, quatre personnalités sont en lice pour succéder à l'islamiste Ali Larayedh. Deux d'entre eux, Mohamed Ennaceur, et Ahmed Mestiri, sont des vétérans de la vie politique ayant été ministres du père de l'indépendance Habib Bourguiba. Les deux autres sont des économistes réputés, Mustapha Kamel Nabli, l'ex-gouverneur de la Banque centrale limogé sans ménagement à l'été 2012, et Jalloul Ayed, un homme d'affaires qui a été ministre des Finances en 2011 après la révolution ayant renversé le régime de Zine El Abidine Ben Ali. Ali Larayedh s'est engagé à céder la tête du gouvernement et permettre la formation d'un cabinet apolitique pour sortir de la profonde crise politique déclenchée en juillet après l'assassinat du député d'opposition Mohamed Brahmi, dont la responsabilité est attribuée par l'opposition à la mouvance islamiste. Il a cependant conditionné son départ à l'application stricte du calendrier des négociations qui prévoit notamment la formation de la commission électorale en théorie d'ici samedi et le lancement de la procédure d'adoption de la Constitution, en cours de rédaction depuis deux ans. Sa démission formelle ne doit d'ailleurs pas intervenir avant la mi-novembre. Les chefs de partis réunis vendredi devront aussi prendre "un ensemble de décisions pour accélérer le processus d'adoption de la Constitution", selon l'UGTT. Ces pourparlers, qui se sont déroulés jusqu'à présent sans accroc majeur, interviennent dans un contexte de tension extrême avec la multiplication des violences terroristes. Pour la première fois depuis la révolution de janvier 2011, deux sites touristiques ont été visés mercredi par un attentat à l'explosif, qui n'a pas fait de victime excepté le kamikaze, et une tentative qui a pu être déjouée à temps. Or le secteur du tourisme (7% du PIB, 400.000 emplois) est stratégique pour la Tunisie qui peine à attirer les voyageurs depuis la révolution de 2011. Le patronat tunisien, l'Utica s'est ainsi inquiété jeudi de l'"escalade du terrorisme qui s'attaque désormais à des secteurs stratégiques de l'économie en cette conjoncture économique difficile". Selon l'agence officielle TAP, Mansour Moalla, plusieurs fois ministre sous Bourguiba (Finances et Plan, Industrie et Commerce, PTT), s'est déclaré optimiste quant aux chances de la Tunisie de sortir de la crise économique actuelle. M. Moalla qui avait annoncé, mercredi, son refus de se porter candidat au poste de chef de gouvernement, a rappelé que "la Tunisie a connu, en 1982, des situations économiques plus difficiles avec un taux d'inflation de 14%, que celle actuelle, mais le pays est parvenu à surmonter la crise grâce à la conjugaison des efforts de tous les intervenants nationaux". M. Moalla a indiqué, jeudi, dans un entretien à la TAP, que la solution de sortie de crise réside dans la formation d'un gouvernement d'unité nationale non partisan et non soumis à l'Assemblée Nationale Constituante, qui veillera à en finir avec la crise politique, à finaliser la phase transitoire et à rétablir la sécurité au sein du pays, en luttant contre le terrorisme. Neuf gendarmes et policiers ont été tués au cours du seul mois d'octobre dans des heurts avec des groupes armés. Le gouvernement a attribué les attaques au mouvement salafiste "Ansar Achariaa" accusé d'entretenir des liens avec Al-Qaïda. L'instabilité politique et les heurts armés ont aussi miné l'économie tunisienne, anémique depuis la révolution. Les conflits sociaux se sont multipliés, alors que le chômage et la misère étaient au coeur des causes du soulèvement du 2011. L'agence d'évaluation financière Fitch a d'ailleurs abaissé mercredi de deux crans la note de dette à long terme du pays à "BB-", contre "BB+" auparavant, du fait des incertitudes politiques, du report des élections et de la multiplication des attentats.