«Alger vit la nuit» est un projet ambitieux concocté sur une initiative commune entre les autorités locales et l'Union des commerçants. Il a pour finalité de dépoussiérer la capitale appelée à vaincre ses peurs et bousculer ses habitudes pour s'ouvrir, enfin, au charme de la vie nocturne, à l'instar des capitales du monde. Y arrivera-t-elle ? Tout d'abord, on assiste aujourd'hui à une première du genre : les guichets de l'état civil de la commune d'Alger-Centre sont ouverts au public jusqu'à vingt-trois heures trente. Ensuite, il faut dire que grâce à une campagne de sensibilisation menée par l'Union générale des commerçants algériens l'(UGCA) de la wilaya d'Alger et les pouvoirs publics, quelques commerces tels que les salons de thé et les pizzerias, situés au centre de la capitale, ont accepté de rester ouverts jusqu'à une heure plus ou moins tardive de la nuit. Même timide, cette ouverture mérite d'être encouragée. Cependant, il faut dire que l'animation de la capitale est un défi en soi. Car il s'agit d'un changement radical dans la vie des Algérois, voire un bouleversement total de leur mode de vie. Ce sera une nouvelle tradition dans la vie algéroise. En effet, en dehors du ramadan les rues de notre capitale n'ont jamais vécu la nuit. «Avant, on se réunissait dans la cage d'escalier des immeubles. Durant la période du terrorisme, on veillait sur les terrasses des immeubles.», témoigne un sexagénaire du centre d'Alger. Cela signifie que le passage d'un état de ville morte, dès la tombée de la nuit, à celui d'une ville qui vit la nuit, nécessite l'implication de tous. Sans aucune distinction. Pour réussir une telle opération, le secteur public doit se mettre à l'avant-garde. Pour cela, il nous semblerait judicieux de commencer par mettre sur pied un comité de réflexion. Celui-ci aura pour mission de se pencher sur les mécanismes à mettre en place pour permettre à tout le monde de trouver son compte dans une capitale en pleine activité la nuit. A ce sujet, il y a aussi lieu de dire que d'un côté, pour activer la nuit, les commerçants réclament des mesures fiscales et parafiscales incitatives. Et que d'un autre côté le consommateur n'est absolument pas prêt à dépenser le double pour ses consommations nocturnes. Dans cette vision, il faut également que les initiateurs du projet «Alger vit la nuit» sachent que l'Algérien adhère toujours à tout ce qui est positif. Une enquête que nous avons menée sur le terrain, nous a montré que des établissements publics comme l'Office National de la Culture et de l'Information (Onci) et Arts et culture, n'ont aucune activité au-delà de vingt heures depuis la fin du ramadan. Dans un tel cas, il est légitime que le citoyen se demande s'il est sollicité à travers ce qui est appelé animation nocturne de la capitale à débourser exclusivement pour une consommation qu'il prend à une terrasse. L'Algérois n'a-t-il pas besoin, par exemple, d'aller la nuit dans une bibliothèque pour se documenter, d'assister à une conférence débat, de débatte sur un film dans un ciné-club ? L'Algérois n'est-il pas dans le besoin de visiter un musée, de participer à une vie active nocturne ? Certes, une vie nocturne ne se décrète pas comme cela se fait pour l'instauration d'un couvre-feu, mais elle peut devenir une tradition si les efforts des uns et des autres se conjuguent. Et puis il y a aussi l'aspect sécuritaire qu'il faut prendre en charge. Il ne faut pas oublier que l'Algérien, d'une façon générale, est poursuivi par la hantise de l'insécurité depuis la période de la décennie noire.