Résumé de la 20e partie - C'est Aor qui est chargé d'apprivoiser et de soigner l'éléphant Blanc... Plus tard, je compris de même cette musique de la parole humaine en quelque langue qu'elle arrivât à mon oreille. Quand c'était de la musique chantée par la voix ou les instruments, je comprenais encore mieux. J'arrivai donc à savoir de mon ami que je devais me dérober aux regards des hommes parce que quiconque me verrait serait tenté de m'emmener pour me vendre après l'avoir tué. Nous habitions alors la province de Tenasserim, dans la partie la plus déserte des monts Moghs, en face de l'archipel de Merghi. Nous demeurions cachés tout le jour dans les rochers, et nous ne sortions que la nuit. Aor montait sur mon cou et me conduisait au bain sans crainte des alligators et des crocodiles, dont je savais le préserver en enterrant nonchalamment dans le sable leur tête, qui se brisait sous mon pied. Après le bain, nous errions dans les hautes forêts, où je choisissais les branches dont j'étais friand et où je cueillais pour Aor des fruits que je lui passais avec ma trompe. Je faisais aussi ma provision de verdure pour la journée. J'aimais surtout les écorces fraîches et j'avais une adresse merveilleuse pour les détacher de la tige jusqu'au plus petit brin ; mais il me fallait du temps pour dépouiller ainsi le bois, et je m'approvisionnais de branches pour les loisirs de la journée, en prévision des heures où je ne dormais pas, heures assez courtes, je dois le dire ; l'éléphant livré à lui-même est noctambule de préférence. Mon existence était douce et, tout absorbé dans le présent, je ne me représentais pas l'avenir. Je commençai à réfléchir sur moi-même un jour que les hommes de la tribu amenèrent dans mon parc de bambous une troupe d'éléphants sauvages qu'ils avaient chassés aux flambeaux avec un grand bruit de tambours et de cymbales pour les forcer à se réfugier dans ce piège. On y avait amené d'avance des éléphants apprivoisés qui devaient aider les chasseurs à dompter les captifs, et qui les aidèrent en effet avec une intelligence extraordinaire à lier les quatre jambes l'une après l'autre ; mais quelques mâles sauvages, les solitaires surtout, étaient si furieux, qu'on crut devoir m'adjoindre aux chasseurs pour en venir à bout. (A suivre...)