Résumé de la 18e partie - Pour protéger son petit éléphant, la mère n'a pas hésité à se sacrifier en s'exposant aux flèches de ceux venus les capturer... Les assassins s'élancèrent pour me garrotter, et je ne fis aucune résistance. Stupéfait devant le cadavre de ma mère, ne comprenant rien à la mort, je la caressais en gémissant, en la suppliant de se relever et de fuir avec moi. Elle ne respirait plus, mais des îlots de larmes coulaient encore de ses yeux éteints. On me jeta une natte épaisse sur la tête, je ne vis plus rien, mes quatre jambes étaient prises dans quatre cordes de cuir d'élan. Je ne voulais plus rien savoir, je ne me débattais pas, je pleurais, je sentais ma mère près de moi, je ne voulais pas m'éloigner d'elle, je me couchai. On m'emmena je ne sais comment et je ne sais où. Je crois qu'on attela tous les chevaux pour me traîner sur le sable en pente du rivage jusqu'à une sorte de fosse où on me laissa seul. Je ne me rappelle pas combien de temps je restai là, privé de nourriture, dévoré par la soif et par les mouches avides de mon sang. J'étais déjà fort, j'aurais pu démolir cette cave avec mes pieds de devant et me frayer un sentier, comme ma mère m'avait enseigné à le faire dans les versants rapides. Je fus longtemps sans m'en aviser. Sans connaître la mort, je haïssais l'existence et ne songeais pas à la conserver. Enfin, je cédai à l'instinct et je jetai des cris farouches. On m'apporta aussitôt des cannes à sucre et de l'eau. Je vis des têtes inquiètes se pencher sur les bords du silo où j'étais enseveli. On parut se réjouir de me voir manger et boire ; mais, dès que j'eus repris des forces, j'entrai en fureur et je remplis la terre et le ciel des éclats retentissants de ma voix. Alors, on s'éloigna, me laissant démolir la berge verticale de ma prison, et je me crus en liberté ; mais j'étais dans un parc formé de tiges de bambous monstrueux, reliés les uns aux autres par des lianes si bien serrées que je ne pus en ébranler un seul. Je passai encore plusieurs jours à essayer obstinément ce vain travail, auquel résistait le perfide et savant travail de l'homme. On m'apportait mes aliments et on me parlait avec douceur. Je n'écoutais rien, je voulais fondre sur mes adversaires, je frappais de mon front avec un bruit affreux les murailles de ma prison sans pouvoir les ébranler ; mais, quand j'étais seul, je mangeais. La loi impérieuse de la vie l'emportait sur mon désespoir, et, le sommeil domptant mes forces, je dormais sur les herbes fraîches dont on avait jonché ma cage. (A suivre...)