Imaginaire - Au centre culturel Mustapha-Kateb à Alger, l'artiste peintre Samia Boumerdassi expose une quarantaine de tableaux où se lient intimement l'enfance, la femme, le monde floral et le dessin arabesque. Intitulée «ode à la couleur», la vingtaine de toiles ne dément pas la grande féminité de l'artiste. En effet, dès le premier regard sur la pyrogravure 2 on est attiré par la finesse qui émane des tons bruns et chauds de l'œuvre. La femme, une Saharienne, toute de finesse, comme sortie d'un mirage, fait figure d'Antinéa ou de Tin Hinan, magique échappée au roman l'Atlantide de Pierre Benoît. On peut voir dans un tout autre registre artistique, un tableau baptisé Kahina. L'ancêtre millénaire est perçue par Mme Boumerdassi, forte, énergique, sobre dans son costume de Berbère, mais femme vaillante de l'Algérie de toujours. Sur les cimaises de cet espace culturel on peut se rapprocher également de huit toiles dites «arabesques où les fleurs stylisées, feuillages, se délient en volutes et spirales sous le pinceau en un enchaînement de formes dansantes et mobiles. Comme un murmure du vent. Esprit moucharabieh n'est autre que l'esprit en évasion vers le passé arabo-musulman créateur de cette technique d'aération dans les palais, et de protection de l'univers destiné à la femme. On peut déceler également la pensée «vitrail», avec effet de fer forgé et couleurs fortes puissantes où domine le rouge. Enfin l'enfance. Ce sont les œuvres les plus attachantes. La première est la présence d'une fillette de profil. Mélange de rêverie et de mélancolie derrière des barreaux d'un lit ou d'un escalier. On ne peut savoir. Mais les boucles d'oreille, la robe ample descendant en plis ajoutent au mystère. Tandis que la tête penchée et le regard perdu font que l'on entend le souffle de la petite fille comme celui de l'oiseau «bleu», prisonnier dans sa cage. La deuxième, une belle représentation d'enfant africain avec pour ange gardien la pleine lune des nuits bleues du berceau de l'humanité qu'est l'Afrique. L'Orient n'est pas exclu par le biais des représentations Mille et une nuits, Miniature et Tokyo. L'ode à la couleur pourrait s'expliquer par le chant de l'arc-en-ciel né des pinceaux pour aller habiter les toiles. A savoir que la pyrogravure est un ancien courant maintenant chez les artistes algériens et qui se réalise généralement sur un support en bois en creusant la matière et en utilisant pour l'effet flammé un outil chauffé à blanc. - Artiste peintre autodidacte, mais également médecin dans une PMI à Alger, il n'a pas été ardu à Samia Boumerdassi d'allier médecine et art. Une personne animée d'un grand amour pour son paternel. C'est, d'ailleurs, à la mémoire de son père, qu'elle dédie cette exposition, ce père qui l'a imprégnée de cet amour pour tout ce qui est teintes, tons et crayons de couleurs. En effet, dit-elle : «Toute petite j'ai baigné dans ce monde de la couleur parce que mon père, maquettiste à la SNED, était toujours entouré de ses crayons à la maison, qu'il taillait au canif. Ma mère, couturière, m'a, elle aussi, plongée dans cet attirant et magique univers des couleurs avec tous les tissus et soieries qu'elle utilisait pour tailler des tenues féminines.» A la question de savoir comment lier médecine et art, elle répond sans hésitation : «Tout geste médical devrait être un geste de beauté.» Un autre violon d'Ingres pour cette mère de trois enfants, l'écriture. Eh oui ! Elle a publié un recueil de prose poétique Le patchwork des rêves à compte d'auteur et un «petit roman», selon ses propres termes, La complainte du nay. Elle réalise sa première exposition en 1996 au palais de la culture puis enchaîne une série d'autres notamment en 2002 pour la journée du 8 Mars, en 2005 à l'occasion de l'inauguration de la galerie Temam, puis en 2007 en hommage à Aïcha Haddad.