Nomination - Mehdi Jomaâ, actuel ministre de l'Industrie a été désigné hier soir pour conduire son pays vers des élections et le sortir de la profonde crise politique dans laquelle il est plongé. Il sera, à ce titre, appelé à former un gouvernement d'indépendants. «Il est suffisamment compétent et indépendant pour assurer les fonctions de Premier ministre», a commenté Mahmoud Baroudi, un responsable de l'Alliance démocratique, un mouvement d'opposition au parti islamiste Ennahda qui a soutenu la candidature de M. Jomaâ au poste de chef du gouvernement. Après la démission du gouvernement dirigé par l'islamiste Hamadi Jebali à la suite de l'assassinat de l'opposant Chokri Belaïd en février dernier, son successeur Ali Larayedh avait fait appel en mars à cet indépendant pour diriger le ministère de l'Industrie. Personnalité peu connue du public son expérience politique a débuté en mars 2013 avec son entrée dans l'actuel cabinet. Sous son égide, dans un contexte de conflits sociaux dans le pays et d'incertitude, M. Jomaâ a milité auprès des entreprises et des décideurs européens pour de nouveaux investissements afin d'aider à rebâtir l'économie tunisienne, alors que le chômage reste endémique, un facteur clé du soulèvement de 2011. Il s'est aussi prononcé pour des réformes très impopulaires en Tunisie, notamment la hausse des prix des carburants prévue pour 2014, une mesure expliquée par les coûts exorbitants pour l'Etat des subventions en la matière, selon les autorités et les organisations comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. M. Jomaâ n'a cependant aucune expérience en matière sécuritaire, un dossier clé depuis la révolution en raison de l'essor de groupes jihadistes armés responsables, selon les autorités, d'un nombre grandissant d'attaques. Agé de 51 ans et père de cinq enfants, d'après sa biographie diffusée par l'agence de presse d'Etat TAP, M. Jomaâ n'a jamais été actif en politique sous le régime de Zine El-Abidine Ben Ali, renversé par le soulèvement de janvier 2011. Cet ingénieur au physique robuste et sans appartenance partisane déclarée a été formé par l'Ecole nationale d'ingénieurs de Tunis, dont il est sorti diplômé en 1988, avant d'obtenir un diplôme supérieur de mécanique (DEA). Depuis sa nomination au ministère de l'Industrie, il ne s'est pas engagé sur le terrain miné des batailles qui déchirent la classe politique, s'exprimant publiquement uniquement sur son domaine de compétence. S'il devient Premier ministre, c'est d'ailleurs à la faveur d'une crise politique profonde déclenchée le 25 juillet dernier par l'assassinat de l'opposant Mohamed Brahmi, attribué à un groupe islamiste armé. Il sera aussi confronté à la défiance d'une partie de l'opposition tunisienne qui a vivement contesté sa désignation, loin d'avoir été consensuelle. Des opposants considèrent en effet que sa participation au gouvernement dirigé par les islamistes d'Ennahda aurait dû l'exclure de la course à la direction du gouvernement. «On ne peut pas choisir comme chef du gouvernement un membre du gouvernement sortant (...). Le Premier ministre choisi ne sera pas un Premier ministre de consensus», a ainsi dénoncé Issam Chebbi, un des chefs du parti Républicain, pour qui l'équipe en place a failli.