Opposition et pouvoir tunisiens peinent à trouver un accord sur la personne indépendante qui dirigera le gouvernement transitoire. L'annonce de cette personnalité était toutefois attendue en fin de journée d'hier. Le Premier ministre choisi sera chargé de sortir le pays de la crise politique et d'éradiquer la violence qui s'accentue dans le pays. Le syndicat Ugtt, principal médiateur de la crise, a annoncé dans la nuit de vendredi à hier que la classe politique avait décidé de créer une nouvelle commission de négociations pour tenter de départager les candidats en lice. Cette commission s'est réunie et est composée du secrétaire général du syndicat, Houcine Abassi, du président de l'Assemblée nationale constituante (ANC), Mustapha Ben Jaafar, du chef du parti Ennahda, Rached Ghannouchi, des opposants Béji Caïd Essebsi, Ahmed Nejib Chebbi, Ahmed Ibrahim, Hamma Hammami et de Kamel Morjane, un ancien ministre du régime déchu de Benali. Selon des représentants des partis politiques cités dans les médias tunisiens, les négociateurs n'ont pas réussi à départager deux candidats: Mohamed Ennaceur, 79 ans, et Ahmed Mestiri, 88 ans, des vétérans de la vie politique qui ont été ministres du premier Président et père de l'indépendance, Habib Bourguiba. Selon la presse, Ennahda et son allié laïc de gauche Ettakatol soutiennent M. Mestiri, tandis que l'essentiel de l'opposition s'est rangée derrière M. Ennaceur. Le dialogue national entamé il y a une semaine doit déboucher sur la nomination de la personnalité qui devra succéder au Premier ministre islamiste Ali Larayedh et conduire la Tunisie vers des élections. M. Larayedh a cependant conditionné son départ à l'application stricte du calendrier des négociations, qui prévoit la mise en place d'une législation et d'un calendrier électoral ainsi que le lancement de la procédure d'adoption de la Constitution, en cours de rédaction depuis deux ans. Sa démission formelle ne doit d'ailleurs pas intervenir avant la mi-novembre. Et le calendrier des négociations a déjà pris du retard sur un autre front: l'élection des membres de la future commission électorale par l'ANC, prévue initialement pour hier, a dû être reportée. Un tribunal administratif a en effet notifié à la Constituante qu'elle devait attendre la promulgation de la loi créant cette instance et sa publication au Journal Officiel avant de procéder au choix de ses membres. Le «dialogue national» en cours vise à sortir la Tunisie de la profonde impasse dans laquelle elle est plongée depuis l'assassinat le 25 juillet du député d'opposition, Mohamed Brahmi, attribué à la mouvance djihadiste. Les négociations ont pu débuter le 25 octobre avec la promesse d'Ennahda de céder le pouvoir à des indépendants et le retour dans l'hémicycle de la soixantaine de députés d'opposition qui boycottaient l'ANC depuis trois mois. L'opposition accuse Ennahda d'être responsable par son laxisme de l'essor de ces groupes armés et de leurs violences. L'incertitude politique et l'essor djihadiste continuent en outre de déprimer l'économie tunisienne, déjà anémique avant la révolution de 2011 dont les principaux facteurs avaient été la pauvreté et la misère. M. N./Agences