Lecture - Ecrit au XIe siècle, le livre Le collier de la colombe, de l'amour et des amants ou Tawq el Hamama fi ulfa wa l'ullaf, est une œuvre littéraire dont les mille ans d'existence n'ont pas altéré la beauté du texte faisant l'admiration des lecteurs du monde entier, amoureux de la belle époque de l'Andalousie musulmane. Un traité sur l'amour courtois, que l'auteur, ibn Hazm, a écrit lorsqu' il était âgé de trente-cinq ans. Un chef-d'œuvre de langage raffiné, d'écriture subtile. Poète, écrivain, théologien, psychologue, juriste, Ibn Hazm El Andaloussi dont le nom fait toujours référence universellement dans les grandes universités du monde, puise son écriture dans le plus pur style des belles lettres de la littérature arabe et du langage distingué de cette même littérature. Parmi les douze œuvres littéraires léguées par l'Espagne musulmane depuis dix siècles et sur les quatre cents textes écrits par Ibn Hazm, le plus célèbre reste Tawq al-Hamama. Un livre de poésies et de réflexions réunies dans un même titre et une somme d'histoires pragmatiques sur le plus noble et l'immortel des sentiments éprouvés par l'homme : l'amour. Véritable confession pour l'auteur classique de la littérature arabe, l'œuvre écrite avec un sens inné de l'observation et de la réflexion permet de comprendre l'état d'esprit de l'époque andalouse alors à son apogée. Les émotions pures de l'amour courtois ainsi que le sentiment de droiture animant les hommes font partie intégrante du sens de l'honneur. Ibn Hazm lègue dans ce livre ce qu'il a vécu et ressenti en tant qu'Andalou musulman ainsi que les comportements des gens qu'il a côtoyés. Prié par un de ses amis d'enfance venu lui rendre visite à s'atteler sur cette somme de réflexions, Ibn Hazm entreprit alors entre 1025 et 1030 l'écriture du traité sur l'amour. Il écrira à son ami d'enfance : «Pour ce dont tu m'as chargé, il n'y a que trois sources : ce dont je peux témoigner pour y avoir assisté, ce que j'ai compris par moi-même, quand je n'y étais pas ou ce que m'ont rapporté des témoins dignes de foi...». Il s'agit donc de personnes qu'il a fréquentées, princes, ministres, étudiants, savants et amis dont il taira le nom par respect pour leur vie privée. Dans chaque passage écrit en prose et où s'enchaînent extraits du Coran, citations puisées des hadiths et anecdotes, Ibn Hazm introduit des poèmes souvent de sa propre inspiration. Ecrit à Madina Khatiba (Jativa) vers 1027 dans la province de Cordoue, Le collier de la colombe est d'essence «adab el-arabi» l'amour courtois et les sentiments amoureux platoniques omniprésents dans la littérature et la poésie arabes. «Toutes les espèces d'amour s'achèvent avec leur raison d'être, s'enflent et se dénouent avec elle... sauf la passion véritable qui loge dans l'âme et ne s'en va qu'avec la mort...» - Ibn Hazm, dans un courrier à son ami de longue date d'Almeria, confie le plan du traité qui sera composé de trente chapitres. Les dix premiers abordent «les commencements de l'amour» (des étoiles je suis devenu le berger, les surveille paissant, ou fixes ou errantes, ... je me croirais ce soir le gardien d'un jardin... si Ptolémée vivait il n'aurait pas de doute, nul ne me vaut pour épier le cours des astres.). Les douze suivants «traitent des accidents de l'amour..., sur les désastres qui violent l'amour six chapitres... Je termine mon traité par deux chapitres sur la laideur du péché et la plénitude de l'abstinence...» L'amour d'essence philosophique ainsi que les différents principes lui donnent corps et âme, son destin personnel, celui de sa société, du monde arabo-andalou, tout cela est dépeint avec art et une narration privilégiée par «el-adab el-arabi» qui font du Traité une œuvre immortelle. C'est en ces phrases qu'Ibn Hazm achève la présentation de son livre : «Pour sceller mon propos et pour ultime dessein, j'y exhorte à obéir à Dieu Tout-Puissant, j'y recommande le bien et j'y défends le mal. C'est un devoir pour tout croyant.» - Etude philosophique et sociale, l'œuvre n'en est pas moins mystique, l'amour platonique y a une dimension symbolique et religieuse comme dans la tradition soufie : «Dieu nous place toi et moi parmi les patients, les reconnaissants, ceux qui Le louent et l'invoquent Sa mémoire, Amen, Amen. La louange est à Dieu, Seigneur des Mondes. Qu'Il bénisse notre maître Muhammad, sa Famille et ses Compagnons.»