Irresponsabilité - «Nous sommes sous pression, ne nous en rajoutez pas.» C'est en ces termes qu'un médecin de garde a justifié son refus de prendre en charge un prématuré en détresse respiratoire. Cela s'est passé au service des urgences pédiatriques de l'hôpital Naffissa-Hamoud, Ex-Parnet, où Mohamed Chakib, un prématuré de 8 mois et 21 jours, a été très mal pris en charge. L'enfant présentait des signes inquiétants et une mauvaise respiration due à une obstruction broncholaire. «Après l'avoir déshabillé, le médecin de garde l'examine, part et revient quelques minutes plus tard. Elle explique aux parents qu'il n'est pas possible de le garder faute de place», raconte l'oncle du bébé, ému. «Nous l'avons suppliée pour lui donner les premiers soins, en vain. Le médecin est resté de marbre et nous a fait comprendre qu'elle n'était pas prête à continuer la discussion avec nous.». «Nous sommes sous pression ne nous en rajoutez pas», a-t-elle répliqué avant de remettre aux parents une lettre leur conseillant de l'évacuer vers un autre hôpital. La lettre ne comporte ni le nom ni le cachet du médecin en question. Désarmés, les parents n'avaient d'autre choix que de reprendre le petit pour aller faire la tournée des hôpitaux qui voudraient bien le prendre en charge. «Le médecin n'a même pas pris la peine d'orienter le père vers un hôpital chargé des prématurés. Il a perdu un temps fou dans les embouteillages à la recherche d'une structure hospitalière pour sauver son fils», poursuit Mohamed l'oncle du petit défunt. Triste réalité de notre système de santé qui lui-même a besoin de soins. A 22 h, le petit Mohamed Chakib arrive à l'hôpital de Birtraria, dans un état catastrophique. L'équipe médicale sur place décide de le garder. Après plusieurs tentatives de réanimation, le cœur du petit prématuré s'arrête. Au vu du parcours du combattant qu'il a dû endurer, lui qui ne pesait que 1, 400 kg à la naissance, on peut affirmer que cette fin était prévisible. «Comment peut-on évacuer un enfant dans cet état sans assistance médicale ?», s'est exclamé le médecin chef à Birtraria appelant aussitôt sa consœur de l'hôpital Parnet. Sa surprise fut doublement grande lorsque cette dernière lui affirme au téléphone qu'elle «assume» pleinement son acte. L'équipe médicale qui a tenté de sauver Mohamed Chakib est unanime pour dire que l'enfant aurait pu être sauvé s'il avait reçu les soins appropriés à temps. Le défunt est né le 28 novembre 2013 à l'hôpital Nafissa-Hamoud. Trois jours après sa naissance, on le retire de la couveuse pour le remettre aux parents avec comme seule recommandation de le nourrir toutes les deux heures. Heureux de pouvoir tenir leur enfant dans les bras et le voir grandir dans la chaleur familiale, ses parents acceptent de le faire sortir dans une totale confiance. Quelques jours plus tard, l'enfant présente des complications pour revenir de nouveau à l'hôpital. L'enfant a donc été traité à deux reprises dans cette structure hospitalière ce qui laisse supposer qu'un dossier médical a été établi. Ce dossier comporte des éléments actualisés nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques. Nous sommes en droit, dès lors, de nous demander pourquoi ce médecin n'a pas pris la peine de consulter ce dossier et pourquoi elle n'a pas engagé les premiers soins ou ne l'a-t-elle pas mis sous surveillance ? Des interrogations, de la colère et du chagrin. Voilà ce que suscite la triste situation de notre système de santé inhumain et dégradant.