Le ministre sortant de l'Industrie, Mehdi Jomaâ, va présenter au président Moncef Marzouki ce cabinet apolitique vers 17h GMT, le parti islamiste Ennahda ayant accepté de quitter le pouvoir pour résoudre la longue crise politique provoquée par l'assassinat du député d'opposition Mohamed Brahmi fin juillet. Le vote d'adoption de la Constitution a d'ailleurs été reporté à demain (dimanche) pour permettre aux députés d'adopter aujourd'hui une réforme de la motion de censure. Il s'agit de rendre plus difficile pour la Constituante (ANC) de limoger le gouvernement de M. Jomaâ qui doit entrer en fonction la semaine prochaine et conduire le pays vers des élections en 2014. La nature précise de ce changement faisait encore l'objet de négociations hier soir. Les élus reviendront ensuite demain matin à l'ANC pour le vote d'adoption de la future loi fondamentale du pays, en cours d'élaboration depuis plus de deux ans. Ils l'ont déjà au préalable approuvé article par article du 3 au 23 janvier, si bien qu'elle devrait obtenir l'assentiment de la majorité requise des deux tiers des 217 députés. Les partis ont négocié, après moult disputes et controverses, des compromis sur les articles problématiques, notamment ceux traitant de l'islam. L'islam n'a en effet pas été inscrit dans la Constitution comme source de droit, mais les références à la religion sont nombreuses, laissant une place importante à l'interprétation. Ainsi, la Tunisie y est définie comme «un Etat libre, indépendant et souverain, l'islam est sa religion». Si «la liberté de croyance et de conscience» est garantie, l'Etat s'engage aussi à «interdire toute atteinte au sacré». Cette version de compromis a cependant été critiquée à droite comme à gauche. Hier, des centaines d'islamistes radicaux ont manifesté à Tunis pour dénoncer ce texte. Le cas échéant, cette dernière sera promulguée lundi, autrement une deuxième lecture devra être organisée. Si elle échoue aussi, un référendum devra avoir lieu. Les travaux de l'ANC ne sont pas pour autant finis. Les députés doivent encore adopter dans les jours à venir une législation électorale, alors que la commission chargée d'organiser les élections, cruciales pour achever la transition et permettre l'entrée en vigueur de la loi fondamentale, vient tout juste d'être formée. Les partis militent pour qu'elles aient lieu en 2014, mais aucun calendrier précis n'a été avancé. Nouvelle Constitution : ils en parlent Sur le plan des droits humains, les grandes libertés y sont inscrites, même si des ONG de défense des droits de l'Homme s'inquiètent de dispositions souvent vagues. L'objectif de parité homme-femme dans les assemblées élues, une disposition exceptionnelle dans le monde arabe, y a été inclue. «C'est une Constitution progressiste, répondant aux espoirs de la révolution», a estimé le président de l'Assemblée, Mustapha Ben Jaâfar, reconnaissant qu'il «peut y avoir des améliorations». Le chef d'Ennahda, Rached Ghannouchi, a lui loué une des «meilleures Constitutions au monde» qui fera «de la Tunisie la première démocratie arabe». Ce n'est «probablement pas la plus belle, ni la plus équilibrée, ni la plus révolutionnaire des Constitutions, mais (c'est) certainement un grand pas vers un avenir à bâtir», a jugé la députée Selma Mabrouk sur sa page officielle.