Les Constituants tunisiens qui ont achevé leurs travaux doivent adopter aujourd'hui la nouvelle loi fondamentale La Constituante tunisienne est appelée à adopter aujourd'hui la Constitution du pays, plus de trois ans après la révolution, un vote qui doit résoudre une profonde crise politique et ouvrir la voie vers des élections. «Le vote aura lieu demain samedi (aujourd'hui)», a indiqué Mofdi Mseddi, porte-parole de la présidence de l'Assemblée nationale constituante (ANC) qui a achevé jeudi soir l'examen du projet de loi fondamentale. L'heure du vote n'a cependant pas encore été définie. «Si la Constitution est adoptée en première lecture (à une majorité des deux-tiers), la cérémonie de signature aura lieu lundi», a précisé la députée Karima Souid, assesseur chargée de l'Information. Pour être approuvé, le projet doit obtenir une majorité des deux tiers des 217 élus. Si elle n'est pas atteinte, une deuxième lecture devra être organisée. Si le vote échoue une seconde fois, un référendum devra avoir lieu. L'essentiel de la classe politique veut néanmoins éviter d'avoir à soumettre ce texte aux électeurs afin de pouvoir tenir courant 2014 des législatives et la présidentielle. La Constituante a achevé jeudi soir l'examen article par article du texte à l'issue de trois semaines de débats, de disputes et de controverses sur une kyrielle de sujets: la place de l'islam, les droits des femmes, l'indépendance de la magistrature ou encore les prérogatives du Parlement, du président et du chef du gouvernement. Par ailleurs, un nouveau gouvernement d'indépendants dirigé par Mehdi Jomaâ doit être présenté aujourd'hui au président Moncef Marzouki, les islamistes d'Ennahda, majoritaires à l'assemblée, ayant accepté de quitter le pouvoir pour laisser la place à un cabinet d'indépendants jusqu'aux prochaines législatives et présidentielle courant 2014. «Une plénière (de l'ANC) aura lieu mardi ou mercredi pour voter la confiance à ce gouvernement», a indiqué Mustapha Ben Jaafar, président de l'ANC à la radio Express-FM. Si l'adoption de la Constitution se fait sans accroc, le Premier ministre islamiste sortant Ali Larayedh signera la loi fondamentale en compagnie de M. Marzouki et de M. Ben Jaafar. De son côté, le chef du parti islamiste Rached Ghannouchi a dressé un bilan dithyrambique des travaux de la Constituante, élu en octobre 2011 et qui avait à l'origine un an pour rédiger ce texte. Il a salué dans un communiqué «un acquis historique, parmi les meilleures constitutions au monde». «Il faut être fier de ce qui a été réalisé et traduire cela par des élections mettant fin au provisoire et aboutissant à faire de la Tunisie la première démocratie arabe», a relevé M. Ghannouchi. Le texte consacre un régime avec un exécutif bicéphale où le Premier ministre aura le rôle dominant mais où le chef de l'Etat dispose d'importantes prérogatives en matière de défense et de politique étrangères notamment. L'islam n'y a pas été consacré comme source de droit, mais les références à la religion sont nombreuses, laissant une place importante à l'interprétation. Ainsi la Tunisie y est définit comme «un Etat libre, indépendant et souverain, l'Islam est sa religion». Si «la liberté de croyance et de conscience» est garantie, l'Etat s'engage aussi à «interdire toute atteinte au sacré». Sur le plan des droits humains, les grandes libertés y sont inscrites, même si des ONG de défense des droits de l'Homme s'inquiètent de dispositions souvent vagues. Les droits des femmes «sans discrimination» y sont aussi inscrits, ainsi que l'objectif de parité dans les assemblées élues, une disposition exceptionnelle dans le monde arabe. «C'est une Constitution progressiste, répondant aux espoirs de la révolution (...) jetant les bases d'un Etat moderne», a jugé M. Ben Jaafar, tout en reconnaissant qu'il «peut y avoir des améliorations». Pendant plus de deux ans, les travaux sur la Constitution n'ont eu cesse d'être ralentis par une succession de crises politiques mais aussi par l'absentéisme des députés. La finalisation de la Constitution doit permettre de parachever la sortie de l'impasse politique provoquée fin juillet 2013 par l'assassinat par balles d'un député de gauche, Mohamed Brahmi, crime attribué à la mouvance jihadiste dont l'essor déstabilise régulièrement la Tunisie. La Tunisie, berceau du Printemps arabe, a réussi à ne pas basculer jusqu'à présent dans le chaos, mais sa stabilité reste minée par des groupes jihadistes et par de profonds problèmes économiques et sociaux, déjà à l'origine de la révolution de janvier 2011.