Mutation - Ce phénomène prend la forme d'une activité purement commerciale, et tous les moyens sont bons pour en tirer profit. «Professeur très expérimenté, donne des cours de soutien en... Assurez votre réussite au bac...», «Vous avez des problèmes d'assimilation en... ? Vous cherchez des cours de soutien ? Contactez un professionnel pour une réussite garantie...», «Professeur et universitaire dispense des cours particuliers de français et d'histoire-géographie pour tout niveau (primaire, collège, lycée). Longue expérience». Ce genre d'annonces mercantiles envahit les organes de la presse écrite et les sites électroniques spécialisés. Les cours de soutien sont un créneau très porteur qui connaît une rude concurrence des enseignants et des écoles privées. Le choix des mots revêt, à cet effet, une importance capitale. La bonne publicité apporte de nombreux clients, stipule la règle commerciale dans un marché libre. Cette notion est bel et bien comprise par les professionnels, de plus en plus nombreux dans un secteur informel en pleine croissance. Certains annonceurs n'hésitent pas à évoquer les lacunes de l'école publique pour attirer davantage de clients potentiels. Les tarifs sont également mis en avant par ces derniers au même titre que les résultats réalisés et l'expérience dans le domaine. «A seulement 500 dinars/l'heure, votre enfant garantit sa réussite... !». Comme si cette somme était insignifiante au vu de l'apport «magique» des cours de soutien dispensés par l'intéressé. Devant l'ampleur que ne cessent de prendre le phénomène et l'insistance des élèves, pris de panique et de peur de l'échec, les parents d'élèves n'ont qu'à obéir au diktat. «C'est la crédibilité de l'école publique et le principe de la gratuité de l'enseignement qui ont subi un coup fatal», regrette Saïd, retraité de l'Education nationale. «A notre époque, l'enseignant assurait des cours de rattrapage gratuitement aux élèves qui avaient des difficultés sur le plan pédagogique. On considérait cela comme un devoir professionnel, mais aujourd'hui, l'aspect commercial porte atteinte à la noblesse du métier», ajoute notre interlocuteur, avec le même regret. A l'«érosion» constante du pouvoir d'achat des parents, vient se greffer ce fardeau des cours de soutien scolaire très coûteux. Si un élève bénéficie de leçons supplémentaires dans seulement deux matières à raison de six heures par mois pour chaque matière à raison de 600 dinars/l'heure, les parents doivent y consacrer la somme de 6 000 dinars ! Que dire alors des parents ayant deux ou trois enfants scolarisés ? «Cette mode de cours de soutien nous a vraiment déplumés ! Il faut vite l'arrêter. C'est trop, nous n'arrivons plus à y faire face», déplorent plusieurs parents d'élèves. Nos interlocuteurs n'ont pas ménagé les enseignants. «La morale veut que ces éducateurs fassent correctement leur travail à l'école et non pas à faire peur aux élèves et ainsi les inciter à prendre des cours payants qu'ils assurent chez eux ou dans des écoles privées. C'est malheureux de voir un métier noble tel que l'enseignement entaché et sali par cette avidité sauvage pour le gain matériel», dénoncent-ils.