De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad Les cours de soutien sont devenus un véritable phénomène de société dans la région de Kabylie, notamment ces dix dernières années, et tendent à toucher même les parents dont les enfants sont brillants à l'école, qui obtiennent les meilleures notes de l'établissement, encouragés même à l'échelle régionale par des cadeaux et n'ont, par conséquent, nul besoin de ces suppléments onéreux de savoir en dehors des heures de cours habituelles et généralement dispensés dans des conditions qui laissent à désirer. Un phénomène d'autant plus grave qu'il met dans l'embarras les parents d'élèves pauvres ou même au chômage (qui constituent la majorité des familles) et qui, pour satisfaire la demande de cours de soutien scolaire de leur enfant, acceptent tout emploi précaire, mal rémunéré et sans assurance. Alors qu'une petite minorité de parents d'élèves qui disposent de moyens financiers importants envoient leur enfant dans les écoles privées où exercent le plus souvent des enseignants venus de l'école publique, donnant ainsi un autre coup de discrédit à l'école et consolide l'idée que, à défaut de l'école privée, les cours de soutien sont indispensables pour la réussite scolaire et professionnelle. Le recours massif et de plus en plus accepté aux cours de soutien scolaire par des parents d'élèves souvent inquiets quant à l'avenir de leur progéniture est perçu comme une réponse spontanée à l'inquiétant taux de déperdition scolaire qui ne diminue pas, malgré les réformes promises à la réussite. L'inefficacité des moyens mis en place pour redonner à l'école la place inestimable qui est la sienne dans la société fait que le secteur dans son ensemble n'arrive pas à donner les résultats attendus et tarde à prendre le train de la modernité et à former correctement dans le contexte du système de mondialisation en cours. Les rudes luttes syndicales pour un salaire digne, un statut particulier pour l'enseignant, les honteux obstacles dressés à l'enseignement de la langue amazighe et les actions des infatigables et courageux contractuels ainsi que la mise à mort des lycées techniques malgré leur utilité et efficacité avérées et contre les cris de colère et de détresse des enseignants sont les quelques indices majeurs des maux aux conséquences très coûteuses qui rongent doucement mais sûrement l'un des piliers du développement des peuples et de la consolidation des Etats, l'école. Nombre de parents d'élèves continuent ainsi de payer cher des cours de soutien scolaire même dans le cas où les résultats ne suivent pas. «Cela fait un bon moment, depuis le début de ce troisième trimestre, que je me suis rendu compte que mon enfant (1 er AM) ne progresse pas ; j'en ai parlé à son professeur de cours de soutien qui est aussi son professeur de sciences naturelles au CEM de la ville, mais jusqu'à présent aucune explication ne m'a été donnée à ce sujet. Pourtant, je communique bien avec mon enfant et je suis son comportement partout où il va ; j'ai essayé de mettre fin à ces cours mais tout le monde s'est opposé à moi à la maison, à commencer par lui-même. Il est devenu accro aux cours de soutien», se lamente un parent d'élève, cadre de l'administration. Un autre parent raconte que l'enseignant qui dispensait des cours de soutien à son enfant en troisième année primaire s'est «retourné» contre l'enfant à l'école, le brimait parce qu'il avait cessé de suivre les cours de soutien. «Je payais 500 dinars mensuellement pour deux heures de cours par semaine, pendant trois mois pour aider mon fils qui s'était classé par la suite parmi les meilleurs de sa classe mais comme j'ai entre-temps perdu mon emploi et que ma femme était toujours au chômage, on avait naturellement arrêté d'envoyer notre enfant au domicile de son enseignant d'arabe pour les cours de soutien scolaire. Conséquence : l'enseignant en question blâmait et punissait tout le temps devant ses camarades notre fils sans raison aucune et sur son bulletin du deuxième trimestre paraissaient, par des notes très faibles, toutes les remontrances, la haine et l'ingratitude de son enseignant d'arabe», témoigne, indigné, un parent d'élève habitant une localité du sud de la wilaya de Tizi Ouzou. Un cas à multiplier sûrement par dizaines ou centaines de milliers, à voir l'esprit commerçant qui domine ce créneau dans l'éducation en Algérie. Il paraît même que beaucoup d'enseignants ont amassé des sommes colossales d'argent et n'hésitent pas à exhiber leur soudaine «richesse» et prendre pour des «débiles» leurs collègues qui se satisfont de leur misérable et honteux salaire d'enseignant.