Résumé de la 5e partie ■ C'est Thérèse que les gendarmes découvrent allongée, une balle dans la tête. Eliane est pétrifiée, elle dit avoir tiré dans l'affolement... En mars 1993, après deux années d'emprisonnement, Eliane et devant les assises. Elle a trente-cinq ans, l'air d'une adolescente pâlotte et mal dans sa peau. L'accusation maintient la version de l'homicide volontaire, tenant à la première déclaration d'Eliane : «J'ai tiré dans un accès de colère.» Et les témoins défilent. Il est rare, dans un procès d'assises, d'une part qu'il n'y ait pas de partie civile, et d'autre part que les témoins s'emploient à diaboliser ainsi la vic-ctime. Le prêtre du village dit qu'il a tenté d'envoyer un exorciste voir Thérèse pour la débarrasser de ses démons. Mais, lorsque l'exorciste s'est présenté chez l'envoûteuse, ou l'envoûtée, l'alcool qu'elle avait ingurgité ne lui a même pas permis de s'exprimer. Le même prêtre fait l'éloge d'Eliane, il n'a rien à lui reprocher; au contraire, la victime c'est elle. Un peintre qui a connu, Thérèse au temps de son talent décrit ses manigances insupportables au point qu'il lui a même crié un jour : «Arrête je te tue !» Les jurés peuvent également découvrir une œuvre de Thérèse un autoportrait, où elle s'est représentée en Lucifer. Puis son journal, puis son roman, Les Tribulations de la Girafe, où elle décrit la mort de sa compagne comme si elle décrivait la sienne. Eliane ajoute : «Elle m'a dit alors,''c'est toi qui écriras le dernier chapitre''» Phrase aux allures de suspense, mais qui n'est pas si mystérieuse au fond. Et que l'on pourrait traduire par : «C'est toi qui finiras par me tuer, puisque je le veux.» Mais le témoin le plus important est la propre fille de Thérèse, qui reconnaît : «Eliane était prisonnière de ma mère, c'est aussi une victime.» Ainsi, tout le monde demande pitié pour la meurtrière. L'enfer, elle l'a déjà vécu. Il faut la rendre à la vie, la débarrasserde ce cauchemar. Les circonstances atténuantes sont si nombreuses, si indiscutables, si précises... «Je l'aimais, dit Eliane, j'avais juré de ne jamais la quitter. Je l'ai soignée envers et contre tout, y compris elle-même, j'étais là jour et nuit, je voulais l'aider et je me mettais en colère devant ceux qui la dénigraient. C'était une femme extraordinaire et même aujourd'hui, je ne regrette pas de l'avoir connue.» Mystère des histoires d'amours sulfureuses, qui finissent souvent mal. Mystère de celle qui choisit d'être esclave, d'admirer et d'aimer, aux limites du supportable, ce qui n'est ni admirable ni amour, ni sérénité ni échange, mais torture. Mystère de celle qui a choisi son bourreau. Eliane doit répondre de la mort de son bourreau. Même si le bourreau a téléguidé cette mort, ce qui est fort probable. Bien défendue, soutenue par tout un village, Eliane n'est pas une meurtrière ordinaire. Les jurés le reconnaissent en deux heures de temps : ils lui accordent toutes les circonstances atténuantes nécessaires. Trois ans de prison. Dont deux déjà accomplis. Eliane a depuis retrouvé la liberté. «Pour repartir sur des bases saines», a-t-elle déclaré. Il lui reste un long travail de deuil à accomplir pour oublier cette pulsion qui a crispé son doigt sur la détente, par une nuit d'horreur et de confusion mentale. Pour oublier le Guépard, toutes dents et griffes dehors, qu'elle a croisé un jour sur sa route, dans la jungle des amours infernales.