Evocation ■ Un hommage a été rendu, hier, à la salle Ibn Zeydoun à l'initiative de l'Office national des droits d'auteurs et des droits voisins et du ministère de la Culture. Ce rendez-vous, qui intervient dans le cadre de la série d'hommages aux doyens de la musique algérienne, a concerné l'un des noms emblématiques de la chanson kabyle, un artiste qui chantait l'amour, la patrie, la paix, l'exil, l'attachement à la culture ancestrale..., à savoir le regretté Cherif Kheddam. C'était un moment fort en émotion. Cette cérémonie a réuni, le temps d'une soirée, de grandes figures de la chanson kabyle, à l'exemple de Abbas Amghar, Djidji, Farid Ferragui, Akli Yahiatene, Medjahed Hamid, Malika Domrane et Brahim Tayeb. Tous accompagnés de l'orchestre de Maâtka de Tizi Ouzou, dirigé par H'cen Aït Zaïm et soutenu par Mohamed Ouazza au violoncelle, les artistes ont chacun interprété une chanson puisée dans le répertoire de ce monument de la chanson kabyle, qu'est Cherif Kheddam, celui qui a donné à la chanson algérienne ses lettres de noblesse. Notons que cette cérémonie d'hommage a vu la sortie du coffret anthologie comprenant l'intégralité de l'œuvre de Chérif Kheddam, dit Dda Chérif, dont la carrière se résume à 55 ans. Il restera sans conteste, l'une des plus grandes figures de l'histoire de la chanson contemporaine algérienne et maghrébine. Une œuvre considérée, selon tous ceux qui ont tenu à lui rendre hommage en interprétant ses chansons, comme «gigantesque, ayant permis à la chanson kabyle d'accéder au rang de l'universalité». En effet, son œuvre s'inscrit dans un style de grande musique par un travail savant de recherche et d'orchestration : il s'est initié durant de longues années au luth et modes, solfège, piano, chant et harmonie. Cela a donné à sa musique du style et du caractère. Notons par ailleurs que lors de cette cérémonie, Khalida Toumi, ministre de la Culture, a remis aux proches du regretté-artiste, le trophée honorifique et le coffret-CD. «Chérif Kheddam, ce monument universel de la chanson algérienne d'expression kabyle, n'a de son vivant, jamais eu de coffret comme les autres artistes, nous avons choisi de commencer l'année 2014 par cet hommage pour remettre un dû dont nous étions redevables, à l'artiste et à la culture algérienne», a déclaré la ministre. A la fin de la soirée, les artistes qui ont animé la cérémonie, ont rejoint une dernière fois la scène pour chanter ensemble El-Dzaïr inch'Allah Atehlou, un des derniers titres écrits, composés et interprétés par Chérif Kheddam, appelant à la paix en Algérie. Le regretté Chérif Kheddam a chanté l'amour, la patrie, l'exil, l'espoir, la douleur pour exprimer son vécu mais aussi celui de ses semblables. Toutes ses chansons retracent son vécu et celui de ses semblables. Les conditions de vie pénibles dont il en a fait les frais l'ont poussé d'ailleurs à l'exil. Et c'est l'exil qui l'a mis sur la voie de la chanson. Un exutoire à ses souffrances et ses tourments. Certes, Cherif Kheddam, un artiste dont la grandeur n'avait d'égal que son humilité et sa discrétion, n'est plus de ce monde mais son nom restera vivant dans les anales de la chanson algérienne. Né le 1er janvier 1927 à Aït Bou Messaoud, Chérif Kheddam verra sa carrière commencer quand il émigre en France en 1947. Mais ce n'est qu'en 1955 qu'il enregistre à compte d'auteur son premier 78 tours, Ayellis Temurthiw (la fille de mon pays). Sa carrière sera marquée d'abord par la rencontre, entre 1958 et 1959, avec Mohamed El-DJamoussi d'abord et Amraoui Missoum par la suite. Ces maîtres ont eu à diriger quelques-unes de ses œuvres. Pour le jeune Chérif, ça a été une expérience enrichissante. Au fil des années, et d'une expérience à l'autre, il affine son style et enrichit sa musique, savamment élaborée. Sa musique se révèle alors consistante. Son œuvre est un esprit qui s'impose. Plus tard, dès son retour en Algérie en 1964, Cherif Kheddam anime une émission à la radio destinée à faire connaître les musiques du monde et rapprocher les cultures. En 1968, il initie une émission radio intitulée «Les chanteurs de demain» qui révèle toute une génération de nouveaux talents qui sont devenus des vedettes. Il a composé d'immenses œuvres pour la grande chanteuse Nouara, considéré par les spécialistes comme la plus importante collaboration entre deux grandes voix de la chanson kabyle. Marqué par la maladie, il revient en 1996 et célèbre ses 40 ans de chanson au Palais des congrès à Paris avec l'orchestre philharmonique international. En 1997, il compose la musique du film d'Abderrahmane Bouguermouh, La colline oubliée, tiré du roman éponyme de Mouloud Mammeri. Sa dernière apparition sur scène fut en 2006, où il a donné un grand spectacle au stade olympique de Béjaïa à l'occasion du 50e anniversaire du Congrès de la Soummam. Symbole de l'authenticité qu'il a su mettre en parfaite symbiose avec la modernité, Cherif Kheddam meurt à Paris le 23 janvier 2012.