Critique Sous sa présidence, l'Europe a accompli de grandes choses : l'euro est devenu la monnaie quotidienne de 300 millions de citoyens ; le Vieux continent s'est unifié en accueillant les anciens pays du bloc communiste. Le président de la Commission européenne, l'Italien Romano Prodi peut être d'autant plus satisfait qu'il est en passe de réussir sa sortie. Il n'a pas subi de camouflet électoral lors des élections européennes et est fin prêt à affronter son rival Silvio Berlusconi. Surtout, il voit avec jubilation les candidats se bousculer alors que les chefs d'Etat et de gouvernement doivent lui trouver un successeur. Mais ce bilan flatteur est vigoureusement contesté à Bruxelles. Sans charisme, communicateur exécrable, Romano Prodi est accusé de laisser une Europe sans projet et une Commission qui n'a plus l'écoute des chefs d'Etat et de gouvernement. Le vote de protestation émis par les 349 millions d'électeurs de l'Union, du 10 au 13 juin, serait aussi, pour partie, l'échec de la Commission. La tâche était des plus délicates, font valoir les défenseurs de M. Prodi. Lorsqu'il arrive à Bruxelles en 1999, la Commission est en déliquescence. L'équipe sortante du Luxembourgeois Jacques Santer a été acculée par le Parlement à la démission en raison d'accusations de népotisme et de la désorganisation héritée des années Delors. En bon politique italien, le président de la Commission cherchera avant tout à survivre. A l'intérieur du collège des commissaires, il divise pour mieux régner. Il envoie ses collègues loger aux quatre coins de Bruxelles dans leurs directions générales respectives. En contrepartie, ceux-ci ont carte blanche pour gérer leurs dossiers techniques, qui avancent bien. Revers de la médaille, la Commission devient moins collégiale. M. Prodi voit son leadership politique contesté. Le président utilise à chaque fois ses différents réseaux italiens, fonctionnaires de la Commission, conseillers politiques. Il énonce publiquement ses diagnostics. Le pacte ne fonctionne plus ; les avancées de la Constitution Giscard sont faibles ; le budget de l'Europe est trop tourné vers le passé. Mais M. Prodi, qui ambitionnait, à ses débuts, de diriger un gouvernement européen, n'est pas parvenu à infléchir le cours des choses. La Commission n'a pas été écoutée sur la Constitution, ni sur le pacte. Ses propositions budgétaires sont combattues. M. Prodi n'a pas eu l'écoute du Conseil européen. Chefs d'Etat et de gouvernement ont repris la main. Ce n'est plus la Commission qui réalise les compromis, mais le pays qui tient la présidence tournante du Conseil. Sous sa présidence, la Commission n'a pas plus été en mesure de représenter l'Europe sur la scène internationale. Les désaccords entre pays sur la guerre en Irak ont empêché toute expression commune. Le dossier de l'OMC a connu deux revers cuisants, à Seattle en 1999 et à Cancun en 2003. Contesté sur la scène européenne, Romano Prodi est aussi régulièrement accusé d'utiliser ses fonctions à Bruxelles pour peser sur la politique italienne, où il jouit d'une forte image, celle du seul recours possible face à Berlusconi.