Le président de la Commission européenne, l'Italien Romano Prodi, a invité l'Europe élargie à plus d'unité pour se faire respecter des Etats-Unis, dans un entretien publié hier par le quotidien italien La Repubblica. “Une Europe plus unie se ferait respecter davantage et rendrait plus facile la coopération entre les deux rives de l'Atlantique”, a-t-il affirmé. Pendant la crise avec l'Irak, “la politique étrangère européenne a souffert des divisions des Etats membres et surtout de l'habilité avec laquelle les Etats-Unis ont su en jouer”, a-t-il souligné. “Le fait que les Etats-Unis soient une superpuissance est indéniable. Face à ce constat, on peut réagir de deux manières : accepter le fait accompli ou chercher à croître suffisamment pour offrir au monde des modèles alternatifs, comme l'a fait l'Europe avec le protocole de Kyoto (sur l'environnement), la Cour pénale internationale ou l'euro”, a ajouté M. Prodi. Pour le président de la Commission européenne, l'Europe est devenue un problème pour les Etats-Unis avec l'instauration de la monnaie unique. “Pendant dix ans, ils ont ridiculisé nos efforts tendant à l'union monétaire. Maintenant, l'euro est une réalité qui fait concurrence au dollar sur les marchés mondiaux et les Américains découvrent la question européenne”, a-t-il affirmé. Pour Romano Prodi, l'Europe doit désormais “se doter d'une véritable personnalité politique”, avec une politique étrangère et de défense commune. “On ne peut pas se contenter de confier le portefeuille à l'Europe et la sécurité à l'Amérique”, a-t-il expliqué. Le président de la Commission de Bruxelles s'est dit conscient des réserves des Etats membres les plus atlantistes de l'Union européenne, notamment parmi les dix nouveaux adhérents. “Un élargissement sans un dessein politique suffit seulement à ceux qui veulent réduire l'Europe à une zone douanière”, a-t-il affirmé. Pour lui, l'Europe élargie doit s'émanciper, y compris au sein de l'Otan. “On arriverait alors à une alliance (atlantique) vraiment fondée sur deux piliers : un européen et un américain”, a-t-il assuré. “Car là est la vraie Otan, et non celle à laquelle nous sommes habitués, qui est seulement l'Otan des Américains.” Romano Prodi a, enfin, répété que la Russie n'avait pas sa place au sein de l'Union européenne, contrairement à ce que demande le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi.