Romano Prodi, l'Européen patenté qu'il fut alors qu'il était à la tête de la commission européenne, va-t-il passer le témoin à Prodi l'Italien après son succès électoral de dimanche ? Invité il y a quelques années par l'Institut national d'études de stratégie globale (Inesg), l'ancien président du conseil italien et ancien président de la commission européenne s'était fait un ardent défenseur du multilatéralisme, considérant que les pays euroméditerrannéens sont condamnés par la géographie et l'histoire commune à vivre et à travailler ensemble. « Les relations bilatérales sont importantes, mais pas suffisantes, il faut une coopération multilatérale qui aura à s'exercer à travers des institutions à mettre en place », avait-il déclaré alors à Alger, au cours d'une conférence. Son passage à la commission européenne déteindra-t-il sur la conduite des affaires italiennes, à présent qu'il est devenu l'homme fort de l'Italie ? En fin diplomate et riche de son long parcours au sein de l'Exécutif italien, de l'Union européenne (UE), mais aussi en tant que gestionnaire pour avoir dirigé le groupe pétrolier Eni, pétri de connaissances en économie en sa qualité de professeur d'économie, Romano Prodi a ce rare privilège chez un homme politique à un tel niveau de responsabilité de disposer entre ses mains de tous les atouts qui lui permettront de faire les bons choix pour son pays et pour l'Europe. L'Algérie, qu'il a eu à visiter à plusieurs reprises, ne lui est pas inconnue. « Si nous avons froid ou chaud en Italie, l'Algérie est concernée », avait-il confié. Sur bien des sujets au centre actuellement d'une vive polémique en Italie et en Europe, comme la question de l'immigration et des mariages mixtes, Romano Prodi apparaît franchement comme l'antithèse de son rival et candidat malheureux au scrutin de ce dimanche, le président du conseil italien sortant, Silvio Berlusconi. Tout en estimant que « l'émigration est une richesse pour l'Europe », il a toujours plaidé, par ailleurs, pour « la fusion des cultures et la promotion des mariages mixtes ». Avec un tel profil d'homme de dialogue, qui a toujours défendu le principe que l'élargissement de l'Europe à l'Est ne doit pas se faire au détriment des pays de la rive sud de la Méditerranée (Rome est plus proche d'Alger que de Berlin, disait-il), le retour aux affaires de Romano Prodi plaide pour des relations rénovées et apaisées entre l'Italie et ses partenaires du Sud, principalement l'Algérie. Traité d'amitié Le traité d'amitié signé entre l'Algérie et l'Italie en 2004 et les visites respectives effectuées par le président Bouteflika en Italie et Silvio Berlusconi en Algérie avaient été salués comme un nouveau départ dans les relations algéro-italiennes. Dans l'euphorie du réchauffement des relations politiques entre les deux pays, l'Italie a consenti un geste en direction de l'Algérie, en acceptant de convertir une partie de la dette, d'un montant de 84 milliards d'euros, avec l'objectif de porter le taux de convention de 10% à 30%. La participation italienne dans les investissements directs étrangers (IDE) en Algérie demeure marginale et la structure de la coopération économique et commerciale reste dominée par les exportations des hydrocarbures. Au premier gazoduc Transmed Enrico Mattei, réalisé dans les années 1980, s'ajoutera, prochainement, un autre projet de même envergure via la Sardaigne, dont les travaux de réalisation sont prévus dans le courant de cette année. Avec cette nouvelle réalisation, l'Italie deviendra une place énergétique stratégique pour l'approvisionnement de l'Europe en hydrocarbures. Le développement de la coopération algéro-italienne, qui est un choix stratégique pour les deux parties, ne doit, cependant, pas être vécu comme une fatalité économique à laquelle l'Algérie devra se résigner. Certes, le volume des échanges commerciaux a opéré un bond significatif au cours de ces dernières années, en passant de 2,5 milliards de dollars en 1998 à 6 milliards de dollars en 20004, mais il reste largement dominé par le marché énergétique. L'Italie, qui passe pour un modèle de réussite en matière de PME-PMI, peut apporter son concours au développement de ce secteur en Algérie, qui reste encore à l'état embryonnaire. Les réticences des hommes d'affaires italiens à s'engager en Algérie, malgré le retour de la sécurité qui avait servi longtemps d'alibi pour justifier la frilosité des investisseurs étrangers, ne favorisent pas l'établissement de relations confiantes fondées sur la réciprocité des intérêts, inscrites dans la durée et en harmonie avec l'esprit du traité d'amitié conclu entre les deux pays. Un traité qui reste pour le moment au stade de simple déclaration de bonnes intentions politiques. Le pragmatisme de Romano Prodi et les relations d'amitié qui le lient à l'Algérie augurent des perspectives nouvelles dans le sens de la dynamisation et de la diversification de la coopération bilatérale.