Témoignage ■ «Tout ce que je sais, c'est que cette guerre a fait beaucoup de victimes». Que pensent les Français de la Guerre d'Algérie ? Sont-ils assez informés sur ce qui s'est réellement passé en Algérie au temps de la colonisation ? Partagent-ils l'attitude de leurs différents gouvernements qui s'opposent à toute idée de repentance ou d'excuses ? Ces questions et d'autres encore ont fait l'objet de nombreuses enquêtes d'opinion qui ont toutes révélé que cette guerre est toujours présente dans les esprits. C'est le cas, notamment, de celle réalisée par l'institut Conseil, sondage et analyse (CSA) il y a trois ans. Ses résultats ont clairement montré que le regard des Français sur ce conflit dépend en grande partie de leur âge. Si pour 49% des personnes sondées - qui avaient entre 15 et 35 ans à l'époque des faits - la Guerre d'Algérie est «avant tout la fin d'une époque et l'entrée de la France dans le monde moderne», les jeunes générations l'assimilent plutôt à une période marquée par la pratique de la torture. Néanmoins, jeunes et moins jeunes sont d'accord sur un point : tout n'a pas été dit sur ce conflit (66%). Autrement dit, ils ne sont pas assez renseignés sur la question. «Tout ce que je sais, c'est que cette guerre a fait beaucoup de victimes », affirme à ce propos Jean-Jacques, 37 ans, qui exerce comme enseignant dans un lycée professionnel à Valence, une ville située à une centaine de kilomètres de Lyon. La France doit-elle présenter des excuses aux Algériens pour ce qu'elle leur a fait subir pendant des années ? Les réponses à cette question ne font que confirmer la profonde fracture qui existe entre les générations nées avant la guerre et celles nées après. Dans le sondage de l'institut CSA, le «oui» l'a emporté à 60% auprès des 18-24 ans et à 52% auprès des 25-34 ans. En revanche, les personnes nées avant la guerre se sont majoritairement opposées à l'idée (60%). Entre les sympathisants de gauche et ceux de droite, la fracture est également importante (les premiers y sont favorables à 50% contre 26% seulement chez les seconds). Ces résultats ont été confirmés par un autre sondage réalisé par l'institut Ifop en mars 2012 auprès des soldats qui ont servi en Algérie. Ceux-ci se sont dit majoritairement «fiers» d'avoir servi leur pays au cours de cette guerre (80%). Une guerre qu'ils ont, néanmoins, jugée «inutile» (79%). Un véritable paradoxe qui renseigne sur l'embarras dans lequel se retrouvent les Français à chaque fois qu'ils sont appelés à parler de leur passé colonial en Algérie.