Histoire ■ La cinémathèque d'Alger a projeté, hier, en avant-première nationale, Azib Zamoum, une histoire de terre, un documentaire-fiction historique, signé Fatma-Zohra Zamoum. Azib Zamoum, une histoire de terre est un film-mémoire. Il pose, en filigrane, la question de la mémoire et de la difficulté d'y avoir accès. D'abord, le film raconte l'histoire de Omar Ben Zamoum, un propriétaire terrien cultivateur de son état, dépossédé par le régime colonial. L'histoire se passe en Kabylie à la fin du XIXe siècle. Le film, qui nous raconte comment Omar Ben Zamoum, le grand-père du grand-père de Fatma-Zohra Zamoum, a été exproprié, n'est autre qu'une histoire de terres spoliées pendant la colonisation française en Algérie. C'est une enquête qui est basée sur des documents d'archives et de témoignages d'aujourd'hui. Ainsi, Fatma-Zohra Zamoum a eu ce besoin dans ce film de revenir sur les traces de ses aïeux. Elle propose de livrer au public un pan de l'histoire de sa famille. Une contribution utile pour mieux se reconstruire. Même si le film, en apparence, met la lumière sur les mécanismes utilisés par le système colonial pour spolier les terres des Algériens, une restitution d'un pan de notre histoire, jusque-là méconnue, Il comble une lacune mémorielle. Si le film raconte une histoire familiale, celle des Zamoum, dont la réalisatrice est affiliée, il n'en demeure pas moins qu'il fait tacitement référence à l'histoire de l'Algérie. «Il y a en effet dans mon film de la micro-histoire lorsqu'il s'agit de la famille Zamoum, mais il comprend en parallèle des considérations générales de l'histoire de l'Algérie», explique Fatma-Zohra Zamoum qui est aussi l'auteure du scénario. Au-delà de l'histoire familiale, il y a l'histoire d'un peuple. Le film ne traite pas seulement de l'histoire de l'Algérie pendant la période coloniale à la fin du XIXe siècle, il soulève en outre la problématique du déficit mémoriel. En d'autres termes, Azib Zamoum, une histoire de terre traite à travers l'expropriation foncière, la dépossession de la mémoire algérienne par la France. Car l'histoire d'Azib Zamoum, le village où avait vécu Omar Ben Zamoum et le combat farouche et obstiné de celui-ci pour ses terres et son honneur, puisqu'il a conduit une insurrection contre l'administration coloniale pour empêcher cette expropriation, est ignorée des Algériens. «Aucune pancarte n'indique l'emplacement du village Azib Zamouom. Personne ne le connaît ni ne connaît son histoire. La localité où se trouvait le village est rebaptisée Nassiria», regrette Fatma-Zohra Zamoum, celle qui explique que l'idée de faire ce film est venue après le récit d'une correspondance entre Omar Ben Zamoum et l'administration coloniale, entre 1871 et 1875, autour de l'Azib Zamoum en Grande Kabylie. «J'ai décidé de faire des recherches sur son bisaïeul pour mieux connaître cette affaire», a-t-elle dit. Et en enquêtant, elle découvre, en fait, «l'histoire méconnue des mécanismes de l'expropriation des Algériens par les autorités coloniales françaises dans le but d'ouvrir la voie et préparer le terrain à la colonisation de peuplement au profit des populations d'origine européenne.» Pour restituer ce pan de notre histoire collective, Fatma-Zohra Zamoum a dû le faire au fil de témoignages familiaux, de discussions avec des historiens, à l'instar de Fouad Soufi, et de documents archivistiques. Il s'agit là d'un travail d'investigation. Azib Zamoum, une histoire de terre, conjointement produit par la Télévision algérienne et Z & Compagnie Production, est réalisé dans le cadre de la célébration du 50e anniversaire du recouvrement de l'Indépendance de l'Algérie. Si l'histoire d'Azib Zamoum est occultée, voire inexistante, dans la mémoire collective, c'est parce que cette mémoire est confisquée par la France. Nos archives sont détenues par la France. Elles sont déposées à Aix-en-Provence (France). Et l'Etat français refuse jusqu'à présent de nous les restituer. C'est ainsi que notre histoire est oubliée. C'est pour cette raison que la société algérienne souffre d'amnésie. Le film parle de dépossession, d'expropriation mémorielle. Le problème des archives se pose alors dans ce film. On a tendance, notamment avec les nouvelles générations, à s'oublier, à s'étioler dans le présent, à oublier notre histoire, il y a méconnaissance de notre passé. A ce propos, Daho Djerbal, historien, a déclaré à l'issue de la projection : «L'université algérienne doit faire la vraie histoire pour restituer notre histoire. Il est temps aujourd'hui qu'elle le fasse.» Et de déplorer : «Une grande partie des Algériens ne connaissent pas l'histoire de leur nom de famille. La réécriture de notre histoire commence d'abord par la connaissance de nos noms.» Azib Zamoum, une histoire de terre est plus qu'une histoire de terre, sachant que toute l'histoire de l'Algérie, selon Fouad Soufi, est une histoire de terre, mais le film est également une histoire de résistance, résistance face à l'oubli, une histoire de revendication, revendiquer toujours et encore nos archives. L'Algérie doit restituer son passé, recouvrer sa mémoire spoliée par la France.