Moyen ■ Comment peut-on acheter ou vendre de la drogue ou des armes sur les réseaux constituant le Darknet sans être repéré ni identifié ? Visiblement, les cybercriminels ont pensé à tout. Même au moyen de paiement. Pour effectuer leurs transactions, ils n'utilisent ni les cartes bancaires ni les monnaies conventionnelles tels le dollar ou l'euro, mais plutôt le Bitcoin que beaucoup qualifient de «monnaie internationale du crime». Cette devise numérique décentralisée, dont le cours est régi par la loi de l'offre et de la demande, est pourtant légale. Elle a été lancée en 2009 par un développeur non identifié utilisant le pseudonyme de Satoshi Nakamoto avec pour objectif d'échapper à l'autorité des banques centrales. Cependant, elle reste à la merci des mouvements spéculatifs comme en témoigne la flambée qu'elle a connue pendant des mois avant de s'effondrer récemment. En novembre 2013, le Bitcoin «a dépassé les 1 000 dollars. Il y a deux ans, il valait moins de 10 dollars. Un jour, en 8 heures, il a perdu la moitié de sa valeur», a indiqué à ce propos Nicolas Christin, spécialiste de la criminalité en ligne. Cette volatilité s'expliquerait surtout par le fait que 50% à 90% des Bitcoins sont détenus par des spéculateurs «qui réagissent très vite aux nombreux changements réglementaires», selon certaines sources. Parmi ces spéculateurs, il y aurait beaucoup de trafiquants de drogue. Sur le site Silk Road (la Route de la soie) surnommé «l'Amazon de la drogue», les stupéfiants s'échangeaient contre des Bitcoins jusqu'à un passé récent. Ce qui a poussé le FBI à le fermer pendant quelques semaines et à arrêter son fondateur, Ross William Ulbricht, pour blanchiment d'argent, violation des lois sur les stupéfiants et piratage informatique. A en croire la police fédérale américaine, ce site du Darknet a généré 1,2 milliard de dollars de ventes en Bitcoins, pour un montant total de 80 millions de dollars de commissions. Outre la drogue, les Bitcoins sont échangés contre des euros ou des dollars auprès de changeurs officieux et non régulés. Qu'est ce qui fait que cette monnaie ne laisse aucune trace des transactions effectuées ? Il faut savoir qu'un porte-monnaie Bitcoin souscrit en ligne possède deux clés : l'une, publique, sert à recevoir de l'argent, et l'autre, privée, est destinée à régler les achats de manière anonyme. Grâce à ce système à deux clés, les trafiquants de tout acabit parviennent à effectuer des transactions sans laisser de traces. Mais comment font-ils pour acheminer la marchandise à leurs clients sans être repérés par les services de sécurité ? Les envois se font souvent par courrier postal pourtant. «Le vendeur doit être créatif pour éviter que le colis n'attire l'œil de la douane. Et le client prend un risque s'il donne sa véritable adresse. Certains sont plus malins. Un vendeur expliquait sur un forum qu'il regardait parfois sur Google Maps où il envoyait ses colis. Il s'est aperçu qu'il en envoyait à une adresse inexistante sur une route perdue. Il en a conclu que le facteur qui était de tournée sur cette route devait être son client», a expliqué Nicolas Christin.