Concept ■ Il est vrai que le square Port-Saïd est un quartier où convergent de grandes artères et ruelles adjacentes et qu'il faut vraiment faire attention aux plaques de signalisation des rues pour trouver ... la rue des frères Oukid. Sinon, lorsqu'on a l'habitude de longer cet îlot d'Alger foisonnant de commerces, de passants, de riverains à plusieurs facettes, si vrai avec la fusion des êtres qui le hantent, qui s'y promènent, y font une halte, on se dit que Samir Toumi a déniché le bon et bel endroit du vieil Alger pour travailler et ... partager son espace fonctionnel avec l'art et les artistes. La baignoire ancienne, un brin désuète, robuste, celle qui a donné son nom à l'expo, trône sagement dans une des salles. D'autres, en miniature, squattent un coin des cheminées de l'appartement, siège du cabinet de consulting. Avertissement : «La baignoire se veut un laboratoire de réflexion autour de l'impact des actions culturelles ...» Comme espace d'échanges entre le monde de l'entreprise et les aptitudes de l'art on ne peut trouver mieux, puisqu'il est le premier du genre. Huit jeunes artistes novateurs avant-gardistes ont accepté de jouer le jeu. Tous nous invitent à changer de regard sur leur façon de concevoir l'art en avance sur notre société. Ainsi, dans Cri d'Alger, Fatima Chafaâ met en scène l'appel d'une ville saisie par les immondices et leur laideur déformant le visage de sa blancheur. 3emmar rassek, sculpture de Mehdi Djelil, permet de méditer sur la non-pensée, le bourrage de crâne et l'indifférence de l'individu dépassé par les événements. L'installation photographique de Meriem Touimer, conjugue le temps du labeur des mains laborieuses, mains calleuses, fortes, brunies, malmenées par la besogne et consolées par la poésie. Des fleurs des champs viennent modestement fleurir entre les doigts des tâcherons. Le nu est osé, de surcroît par une femme, Maya Benchikh el Fegoun, qui exhibe et jette aux orties les tabous. Zinedine Bessaï avec Khater ! suggère l'idée de censure, Walid Bouchouchi fait un clin d'œil à cette disposition des Algériens à sacraliser le football. Un sport national où le jeune, qu'il soit paumé, stable, fervent, croyant ou libre de ses convictions exulte face au jeu du ballon rond. Mounir Goury, No woman no cry, les larmes de la femme c'est aussi un mot d'amour. Rafik Khecheba Qui ment à qui ? un printemps arabe et un monde mourant dans un face-à-face apostrophant la duperie. Mourad Krinah, avec Dust, montre combien l'homme est vulnérable face à la mort. Fella Tamzali suggère le nu féminin dans son mystère, une énigme. Sofiane Zouggar avec sa sculpture Astrolabe représentant des pieds invite non pas à prendre de la hauteur mais au départ d'une nouvelle vie, peut-être en soi. Djamel Aragnia réalise Coup de barre une série de statuettes, image des sociétés du monde moderne, inerte, sans opinion propre face au matraquage des médias. La surmédiatisation se retrouve également dans Graphiquement correct de Walid Aïdoud. Enfin, Hicham Belhamiti explore la controverse entre les générations, les retombées des hydrocarbures sur l'univers et les individus ainsi que la question philosophique sur la création de l'humain et les hasards qui jalonnent son parcours terrestre. Samir Toumi, arrivé juste à temps, explique son lien avec le monde de l'art, de la photo ainsi que son initiative qui se veut un «partage de l'espace avec des artistes, une cohabitation autour du lieu où se rapprochent imagination, inspiration et monde de l'entreprise». «Nous développons également une sorte de mécénat d'entreprise qui consiste à ce que tout le collectif parraine les arts ou n'importe quel domaine culturel», ajoute-t-il. A cet égard, Samir Toumi confie qu'il a été séduit par cette démarche toute nouvelle à laquelle il adhère en même temps que ses collaborateurs. La créativité artistique côte à côte avec le monde entrepreneurial c'est «redécouvrir des quartiers dits infréquentables, environnement social très difficile comme le Square Port-Saïd alors qu'ils sont sublimes et humains». Des visiteurs ont laissé par écrit leurs impressions sur cette nouvelle conception de fusionner l'art à l'entreprise à l'exemple de : «Je trouve le concept très original...», «les œuvres sont étonnantes... elles créent une ambiance particulière...», «...les jeunes artistes ont réussi à donner une âme à un environnement conventionnel»...