Depuis les temps les plus anciens, on cite, parmi les plus grands fléaux qui affectent le Maghreb, la sauterelle. Son nom même, ldjrad, adjrad en berbère, éveille la peur : les nuées d'acridiens qui s'abattent sur les campagnes, dévorent plantes et récoltes, rasant en quelques minutes de vastes régions verdoyantes. La langue populaire donne le nom de sauterelle à tout ce qui est parasite ou nuisible : ki ldjrad (comme une sauterelle), ifessed ki ldjrad (il abîme les choses comme une sauterelle) etc. Et un proverbe dit : «Elli chât' aâla ledjrad, kemlu lmarrâd» (ce que les sauterelles ont épargné, les parasites l'ont mangé), autrement dit, rien n'échappe à la furie destructrice des forces du mal. Si dans les régions du Nord, la sauterelle est un fléau, au Sahara elle est toujours accueillie? comme une bénédiction ! Il est vrai que dans ces contrées arides, il n'y a pas beaucoup de plantes à manger ; c?est plutôt la sauterelle qui se fait manger ! En fait, la consommation de sauterelles n'est pas propre à l'Algérie ou au Maghreb, elle a été signalée, depuis longtemps, dans diverses contrées. Elle porte même un nom savant : acridophagie. Les moines de l'Orient ancien la pratiquaient, dans leur retraite dans le désert, et les auteurs de l'Antiquité la signalent chez les populations berbères. Aujourd'hui, elle est encore largement pratiquée, le kilo de sauterelles se négociant au prix fort. Pour attraper les sauterelles, les gens se rendent dans l?erg, le matin de bonne heure, avant le lever du soleil : les acridiens étant engourdis par le froid, il est facile de les «cueillir» sur les branches où ils se sont posés. Aujourd'hui, il est prouvé que la sauterelle est un aliment très énergétique. Cependant, dans les régions traitées aux pesticides pour arrêter l'avancée des essaims, il est recommandé de ne pas les consommer.