Tristesse Quel moment de plaisir que ce petit bijou de documentaire diffusé récemment par la chaîne thématique franco-allemande Arte, sur les itinéraires diamétralement opposés de deux dieux du foot : Pelé et Garrincha. Le premier est toujours vivant et sa popularité ne semble pas être entamée par ses soixante-quatre berges. Il continue à sillonner la planète en sa qualité de roi du football et du plus célèbre des Brésiliens que l?histoire ait connu. Lui, il a traversé magnifiquement le temps en échappant à toutes les modes. Pelé, l?homme aux mille facettes, est devenu un personnage multiple, hors du temps et des critères balisant l?existence des autres champions. Aujourd?hui encore, à travers le prisme du temps, son image est si forte qu?il est à la fois la MasterCard et le portable Nokia, le café Pelé et la banque Unibanco, la vitamine Vitasay et nombre de pubs locales. Son contrat plancher est de 1,2 million de dollars minimum. Comment expliquer la traversée du temps par cet homme dont le nom est entré dans la légende il y a plus de quarante ans ? Les historiens, les analystes et les spécialistes se penchent sur ce phénomène depuis toujours et chacun y va de son concept et de sa théorie. Du petit cireur de chaussures au ministre des Sports, sa trajectoire a été celle du plus précoce à atteindre les sommets. Il s?est révélé le joueur qui a marqué le plus de buts, le plus complet, le meilleur athlète, le plus sérieux et le plus professionnel. Il est celui qui a enchanté le plus de foules, remporté le plus de titres. Il a démontré une passion intacte et sans limite pour le ballon rond. Le feu sacré l?habite toujours. C?est son destin. Le deuxième n?est plus de ce monde. Mane fut un fabuleux prestidigitateur du ballon, qui hypnotisait et endormait son adversaire direct en utilisant toujours le même dribble magique ? «je t?emmène à gauche et je pars à droite». Il offrait ensuite des centres et des balles de but à ses partenaires. Mais il pouvait aussi, à l?occasion, (comme en Coupe du monde de 1962, par exemple, où il prit le relais de Pelé, blessé), marquer lui-même des buts décisifs. Il était exceptionnel. Garrincha, en tant qu?ailier, était un joueur excentré qui participait constamment au jeu et évoluait toujours dans le même registre. Sa carrière ne fut pas celle de Pelé et la trajectoire de sa vie non plus. Mort dans l?anonymat après avoir sombré dans l?alcoolisme et la déchéance amoureuse, Garrincha illustre le destin amer d?une étoile qui s?éteint après avoir bien brillé. Le destin des hommes est ainsi fait et celui des grands du sport aussi. Les uns sombrent, les autres sont happés à la fleur de l?âge. Le Brésilien Ayrton Senna, coureur de F1 de son état, continue, dix ans après sa mort, d?irradier encore. La génération Alonso-Montoya, sans l?avoir jamais côtoyé, le vénère et lui voue un respect sans bornes. Pourquoi ? Parce qu?il était Senna. Qui d?autre, en effet, poussa aussi loin la sublimation du sport automobile ? On peut citer d?autres légendes, d?autres destins. Prenez, chez nous, un Draoui et un Belloumi, c?est un peu la même histoire. Après avoir éclaboussé de son talent son passage au Mouloudia d?Alger et en sélection le temps d?un service national, Draoui retourne à Skikda, sa ville natale, pour sombrer dans l?anonymat, ne laissant derrière lui que des regrets. Malade et sans ressources, Draoui a galéré et continue à recevoir l?aide des autres, notamment ses anciens coéquipiers à travers des matchs galas et autres. Belloumi avait pris le même chemin d?Alger où il joua au Mouloudia puis en sélection, mais sa carrière avait pris une autre dimension. Aujourd?hui encore, son nom est célèbre et son aura est intacte. Le premier Algérien ballon d?or africain est entré dans l?histoire et son nom retentira longtemps. Pelé et Garrincha dieux du football, ce docu triste d?Arte, nous a inspiré ce petit dossier consacré à quelques noms très connus dont la fin n?a pas été un happy end, à l?image de leur talent ou de la gloire qu?ils ont vécue. C?est le destin des hommes. C?est le destin tout court.