Exposition ■ Le haïk, symbole d'élégance et de féminité, n'a pas perdu de sa superbe, c'est tout un univers au féminin qui nous viendrait de Tunis. En effet, les plus beaux haïks mrama étaient importés de Tunisie. Qu'il soit tissé de soie pure, «mrama» ou «ness mrema», moitié soie, moitié satin, en laine, «kssa» épais, protégeant contre le froid, «sousti», très fin, léger, «Djridi» alternant des bandes de laine très fines, en nylon, uni ou rayé discrètement, blanc neige ou écru, il fait partie de notre patrimoine culturel et civilisationnel. Symbole d'élégance, de la beauté consacrée femme, cachée, rêvée et imaginée par la gent masculine le haïk est chanté par les poètes populaires. Les grands maîtres de la chanson chaâbie lui ont donné une grande place dans leur qacidate, célébrant l'amour qu'ils portaient à la femme. Au musée du Bardo une exposition est consacrée au haïk, où l'on peut suivre d'étape en étape l'histoire de ce drap-voile, emblème des femmes d'Alger et des autres villes du pays. Le haïk s'élabore dans nombre de matières, les unes plus précieuses que les autres, selon la mode, les finances et le terroir. Il pouvait être réalisé en lainage fin et grenu, haïk mharbel, ou bien en laine et en soie, haïk chaâra, haïk izar à Biskra et dans le Sud, composé d'un drap à fleurs ou imprimé pour passer inaperçu. Il y a également le haïk à la mode de Tlemcen «el aachaachi». Nous pouvons rencontrer encore ces dames irréductibles dans la rue, portant le haïk et l'aâdjar, image qui tend à se perdre et qui ramène vers un passé récent où se voiler s'apparentait à une résistance identitaire contre le colonialisme. Plusieurs parties composent l'expo relatant le cheminement de l'histoire du haïk algérien. Des photos, dans de la mémoire, témoignent de la manière de porter le haïk au long des siècles, périodes s'étalant de l'époque ottomane jusqu'à aujourd'hui. Les reproductions sont accompagnées de textes explicatifs et descriptifs rapportant les souvenirs de femmes âgées, d'historiens et d'écrivains. Les procédés de fabrication suivis d'explications sur les matériaux de création du haïk ancestral, ainsi que la manière de porter le haïk selon la tradition vestimentaire de chaque région sont un autre pan de l'exposition. Ainsi la façon «bouina», c'était se voiler sans porter l'aâdjar en serrant le haïk sur le visage ne laissant qu'une ouverture pour un seul œil, pratique courante alors à Boufarik et Koléa, s'agissant de l'Algérois. Quatre régions ont été délimitées dans l'agencement de l'exposition afin de différencier les manières de se voiler dans chacune des contrées : la malya de couleur noire pour le Constantinois, le tseghnest pour la targuia, le drap blanc pour la capitale et le houli pour le M'zab. Comme toutes les choses tirant leurs origines d'une légende et qui nourrissent les esprits, le haïk également est nimbé de fabuleux. On raconte que les origines du haïk remontent au XVIe siècle, quand les Espagnols sous Charles Quint ont envahi la Tunisie. Les femmes, en se voilant de la tête aux pieds ont voulu se protéger des envahisseurs chrétiens. Après cinq siècles de légende, le haïk continue. Notons que le haïk dont s'est servi Yacef Saâdi pour échapper aux militaires français au cours de la Bataille d'Alger fait partie de l'exposition au Bardo. Autre fait historique hérité de la guerre de Libération, la chahida Hassiba Ben Bouali portait le haïk pour se déplacer anonyme entre les mailles du filet policier. Une tradition persiste dans certaines familles, c'est d'exiger un haïk dans la corbeille de mariage de leur fille pour qu'elle puisse le jour des noces sortir de la maison paternelle en haïk. Sinon on emprunte celui de la grand-mère ou de la mère.