Résumé de la 4e partie Pendant des semaines de marche, les trois hommes connaissent une fatigue exténuante du traînage. Leurs souliers s?usent et ils ont faim. Cependant, deux ans après le message trouvé sur un pigeon voyageur le 15 juillet 1897, le monde consterné reste sans nouvelles de l'expédition Andrée. Ceux qui écrivaient : «C'est absurde, c'est fou» espéraient au fond qu'un miracle récompenserait le courage des trois aventuriers. En 1899, en Islande, on retrouve un message sur l?une des bouées du ballon. En 1900, une autre bouée avec un message s'échoue sur la côte norvégienne. Mais ils n'apportent que des nouvelles antérieures à celles qu'on a trouvées sur le pigeon voyageur. Et c'est de nouveau le silence... Il va durer trente ans. En 1930, un chasseur de morses, profitant d'une chaleur exceptionnelle, parvient à aborder la côte inaccessible de l'île Blanche. L'un des matelots débarque avec un canot à la recherche d'eau potable. Il trouve sur la plage un couvercle d'aluminium. Il regarde autour de lui, scrute la neige et découvre une masse sombre qui émerge. C'est un canot de toile rempli d'objets glacés. A l'arrière, une inscription : «Expédition polaire Andrée 1896.» Il alerte les autres marins, qui explorent la côte de l'île. Ils finissent par trouver un cadavre gelé, à demi caché par la neige. Les pieds chaussés de mocassins, les genoux nus sortent d'un pantalon déchiré. Le corps n'a plus de tête. Un ours a dû la dévorer. Mais dans la veste, il y a le monogramme «A». Dans la poche, un carnet, un crayon et un podomètre. De toute évidence, il s'agit d'Andrée. Çà et là, dans un désordre dont les ours sont sûrement responsables, les chasseurs de phoques découvrent intact l'équipement de l'expédition : la lampe à pétrole encore pleine, des vivres, des ossements d'ours, les reliefs du dernier repas. Ils font monter la mèche de la lampe, approchent une allumette. Une flamme jaillit. A quelques mètres, ils trouvent le cadavre de Nils Strindberg dissimulé sous quelques pierres. Les ours ne l'ont pas ménagé, car son crâne gît plus loin. Mais toutes ses lettres sont retrouvées sur lui. Anna reçoit donc, trente-trois ans plus tard, les lettres de son fiancé. La découverte des restes de l'expédition donnant lieu à une exploitation journalistique éhontée, elle refuse d'en divulguer le texte. On n?en connaîtra que les bribes que nous avons citées. Elle seule sait donc peut-être comment ils sont morts... Car le journal de bord de l'expédition, retrouvé presque intact, ne signale aucun décès. On y apprend seulement que la cabane qu'ils ont tenté de construire s'est effondrée dès la première nuit sous l'effet d'une bourrasque, et il se termine par ces mots écrits de la main même d'Andrée, des semaines plus tard : «Tente... Hutte... Epave... Nous remuer un peu.» Les chasseurs de phoques donnent leur avis : «Ils n'avaient pas les vêtements qu'il fallait. Ils se sont endormis. L'un après l'autre, le froid les a pris.» Des explorateurs polaires concluent : «Des spécialistes auraient survécu. Ils sont morts parce que l'ingénieur, après l'échec de sa tentative et l'inutilité de ses calculs, a désespéré trop tôt et s'est résigné au pire.» Un autre tire cette leçon : «Cette expérience offrait un mélange d'études minutieuses et de négligences. Les régions polaires n'admettent que des hommes bien préparés à l'aventure. Ceux qui s'y rendent à la légère en se fiant trop à leurs propres forces n'ont aucune chance.» Mais le plus extraordinaire est qu'on retrouvera l'appareil photographique d'Andrée. On développera les films et, après trente-trois ans, on aura des images saisissantes de leur odyssée : la chute du ballon, le premier campement et, bien entendu, Nils Strindberg écrivant à sa fiancée... S'ils avaient eu l'idée d'escalader le glacier qui domine l'île Blanche, ils auraient entrevu l?île de la Grande Barrière derrière laquelle s'étend une terre voisine du Spitzberg et de l'île des Danois, où ils eussent été sauvés. Ils s'imaginaient sans doute très loin dans l'est alors qu'ils étaient tout près de leur point de départ...