Qui n'a entendu l'imprécation : Allah imeskhak ! Le mot maskh est souvent compris waskh (salissure, souillure) et la malédiction ainsi interprétée : «Que Dieu te souille», c'est-à-dire, au sens figuré, «qu'Il t'humilie». En réalité, il s'agit de maskh et non de waskh et maskh signifie au propre métamorphose, transformation d'une forme extérieure en une autre forme, généralement très laide. Dans les langues algériennes, il s'agit avant tout de la transformation, à la suite d'un grand péché, d'êtres humains en animaux. En fait, cette croyance, qui se retrouve dans l'islam et le Coran, évoque le sort de gens qui ont transgressé les lois divines et qui ont été transformés en singes et en porcs ! La tradition populaire algérienne, inversant la théorie de Darwin, considère que le singe descend de l'homme. Cette croyance fait que le singe jouit d'une certaine considération et qu'il est, par exemple, interdit de le tuer. La croyance devait être ancienne puisque les auteurs de l'Antiquité signalent que dans certaines régions, les Berbères vouaient une grande vénération à cet animal ! Revenons aux métamorphoses : leur nom est maskhoutine, pluriel de maskhout. Sur la route de Constantine à Annaba, on connaît Hammam Meskhoutine, le Bain des Métamorphosés ou des Damnés ; l'appellation provient de cônes de pierres qui, selon la légende, étaient des êtres humains conduisant une noce, une noce où un frère épousait sa s?ur. Dieu a puni les criminels et ceux qui les accompagnaient en les pétrifiant. Le mot maskhout a pris un sens très large, désignant toute personne accablée par un défaut ou un malheur dans lequel on perçoit vaguement la punition de quelque méfait. Le mot est surtout employé à propos de proches difficiles à supporter : c'est ainsi qu'on traitera de maskhoutine les parents qui ont des enfants qui ne leur apportent que des problèmes. Ces enfants, c'est un peu la punition de quelques fautes qu'ils auraient commises !