Résumé de la 3e partie Sidi Abderrahmane est un savant versé dans les sciences religieuses ; il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont une interprétation du Coran. C'est également un mystique versé dans l'adoration de Dieu. Durant ses méditations, il a des visions extraordinaires. Dans la Rihla, son récit de voyage où il consigne l'essentiel de son autobiographie, il rapporte qu'il était au bord de la mer en train de glorifier Dieu et de réciter le Coran quand le sommeil s'est emparé de lui. Quand il reprend ses esprits ? ou croit les avoir repris ? il voit un homme debout auprès de lui le regardant en silence. Abderrahmane se met à le regarder à son tour, surpris par cette présence. L'homme se met aussitôt à reculer jusqu'à entrer dans la falaise puis à s'évanouir dans la mer. Il croit reconnaître Khidr, un personnage auquel fait allusion le Coran et en compagnie duquel Moïse avait voyagé. Dans la pensée mystique musulmane, ce personnage représente le compagnon spirituel, celui qui guide vers la recherche de la vérité. Le rêve occupe d'ailleurs une place importante dans la pensée de Abderrahmane. On lui attribue même un ouvrage intitulé Kitâb al-Marâ'î (Le Livre de visions véridiques). D'ailleurs, on trouve dans toutes ses ?uvres des récits de rêves qui l'ont fortement marqué. Un jour, il voit en rêve Abû Bakr al-Sadîq, le compagnon du Prophète et premier calife. Il engage avec lui une discussion passionnante, mais voici qu'Abu Bakr l?écarte de la main en faisant une grimace de dégoût : Abderrahmane a mangé de l'oignon et il dégage une forte odeur. Voilà une expérience dont il faut prendre leçon ; de même qu'il est fortement recommandé de ne pas manger de l'oignon (ou de l'ail) quand on se rend à la mosquée, il faut comprendre qu'il ne faut pas manger d'oignon quand on se met au lit, car on risque d'indisposer les pieux personnages que l'on peut rencontrer ! Dans un autre rêve, Abderrahmane se voit au bord de la mer. Il aime beaucoup la mer qui l'incite à la méditation, mais il ne sait pas nager. Voici dans le rêve une foule qui s'approche de lui et le pousse à entrer dans l'eau : «Tu dois nager», lui crie-t-on. «Je ne sais pas nager !», répond-il apeuré. Mais la foule insiste et le pousse jusqu'à l'eau. C'est alors qu'il aperçoit sur la plage, au milieu de la foule, son maître spirituel, le mystique Ibn 'At'iya d'Andalousie. «Va, va», l'encourage-t-il. Il se sent aussitôt rassuré et se jette dans l'eau : miracle, il nage comme un poisson. Bien entendu, il faut interpréter symboliquement ce rêve : la mer, où on le pousse à nager, c'est son ?uvre d'interprétation du Coran qu'il a entamée, une ?uvre très difficile, mais qu'il doit mener à terme pour répondre à la demande de la communauté. Bien que porté vers le rêve et la méditation, Abderrahmane est loin de faire partie de ces mystiques contemplateurs totalement détachés du monde. Il s'est toujours intéressé aux affaires du monde et aux malheurs de ses contemporains, n'hésitant pas à prendre position quand les intérêts de la communauté sont en jeu. C'est ainsi qu'il a adressé des admonestations ? nâs'a'îh' ? aux tenants du pouvoir, les incitant à traiter avec ménagement leurs sujets, à ne pas exercer sur eux des pressions ; il va même jusqu'à les menacer des flammes de l'enfer s'ils persistent dans leurs erreurs. Il est vrai que sa notoriété et son influence lui permettaient d'agir de la sorte. (A suivre...)