Djeha et M'qidech sont rusés puisqu'ils parviennent à se sortir des situations les plus délicates, mais ce sont avant tout des personnages burlesques, des bouffons dont les farces font rire. Ils n'incarnent pas ou alors très peu des personnages rusés. Dans la tradition comme dans le langage des Algériens, la palme de la ruse et de la malice revient au chacal et, en second lieu, au hérisson. Une petite note de linguistique d'abord : «malin» se dit en arabe h'ili et en berbère uh'rich. Comme dans le français «malin», il y a, dans le sens propre des mots, une nuance de méchanceté qui s'ajoute à la ruse : le h'ili, comme l'uh'rich a une aptitude naturelle au mal et à la nuisance. La ruse est appelée lh'ila (en berbère tih'erchi) et comporte, elle aussi, une idée de mal. Mais dans un sens moins fort et, pourrait-on dire, commun, lh'ili c'est aussi celui qui prend un certain plaisir à se moquer des autres, à leur jouer des tours. C'est celui qui parvient, en usant de son intelligence, à régler des problèmes, à se sortir ou à sortir les autres des situations difficiles. Parfois, lh'ila se combine avec l'expérience, ce que traduit le proverbe bien connu : «Lli fatek b?lilla, fatek b h'illa» (qui te dépasse d'une nuit en âge te dépasse d'une ruse). Autrement dit, il faut toujours consulter plus âgé que soi, qui peut prodiguer des conseils utiles. Si on admire la ruse et les rusés, on leur oppose l'innocence, nniya, c?est-à-dire la naïveté et la bonne foi qui, elles, ne font pas de calcul. Un proverbe kabyle dit à ce propos : «Nniya teghleb tih'erchi» (la bonne foi a toujours raison de la ruse). Une allégorie, très répandue personnifie lh'illa et nniya sous les traits de deux femmes. La première, toute rusée qu'elle est, est allée dormir dans un abri bien protégé ; l'autre, naïve, comme à l?accoutumée, s'est étendue au milieu de la route. Un bloc de pierre s'est détaché et, épargnant nniya qui est pourtant sur son chemin, a roulé jusqu'à l'abri, frappa l'hilla et la tua. La naïveté a eu raison de la ruse !