Beaucoup de gens croient que Djeha est un personnage typiquement algérien. En réalité, comme beaucoup de choses et beaucoup de personnages, il nous vient d'Orient. Si on en croit les traditions, les anecdotes relatives à Djeha ont pour auteur un certain Nasreddine Khodja, dont on connaissait le tombeau en Asie mineure. Ce Nasreddine aurait été, pour les uns, cadi puis bouffon de Timourlenk, le fameux conquérant tatar, pour les autres, d'un prince seldjoukide, un certain 'Ala Eddine. Quoi qu'il en soit, on allait, notamment dans l'empire ottoman, associer le personnage à toutes les anecdotes burlesques et à toutes les facéties. Si les Turcs l'appelaient Nasreddine Khodja, les Arabes, notamment en Egypte, lui donnaient le nom de Djeha, ou, avec la prononciation orientale, Djoha. La littérature de langue arabe connaît de nombreux recueils, le plus souvent anonymes, intitulés Nawadir Djoha (anecdotes de Djoha). C'est par le biais de ces ouvrages, très populaires, que le personnage de Djeha est entré en Algérie et au Maghreb. Le personnage s'est bien acclimaté chez nous, répondant sans doute aux goûts et aux besoins de l'époque. Un grand nombre d?anecdotes que l'on rapporte à son propos sont connues en Orient, mais beaucoup sont également locales. Il n'est pas impossible que le personnage, devenu célèbre, ait pris la place de quelque comique local, en tout cas, les histoires se déroulent toujours dans un environnement algérien. Au XIXe siècle, l'ethnologue allemand Mouliéras a publié un recueil d'anecdotes kabyles recueillies dans le Djurdjura. En Kabylie, le personnage est devenu si commun qu'il a éclipsé le comique local, M?qidech. Ce «Djeha kabyle» est également connu dans d'autres régions d'Algérie et certaines anecdotes, notamment à Alger, lui opposent un «Djeha arabe». Il y a également un «Djeha chrétien», Djeha rumi, souvent roulé par le Djeha arabe !