Résumé de la 2e partie ■ Il lui faut six mois d'efforts pour peindre son faux, après quoi intervient l'opération techniquement, la plus difficile : le vieillir. D'autres toiles de Vermeer, toujours religieuses, continuent de circuler et des doutes commencent à naître, car on croyait que l'artiste, mort jeune, avait très peu peint. Et c'est d'autant plus étrange que toutes sont proposées par la même personne, Henri Van Meegeren, agissant pour le compte d'une mystérieuse famille italienne. Quelle était donc cette fabuleuse collection dont on ignorait tout ? Mais la guerre empêche qu'on approfondisse ces questions. Dans la Hollande occupée, la Gestapo fait la chasse aux juifs et aux résistants. Tout comme en France, il y a des attentats et des représailles sanglantes. Et c'est à la Libération, par le biais d'un tableau vendu à Goering, que l'affaire Van Meegeren est découverte... Tel est le dossier que peuvent constituer les policiers après son arrestation, en mai 1945. La suite de l'enquête ne fait que confirmer les dires du faussaire. A Roquebrune, sont retrouvés les objets flamands de l'époque, pots et assiettes en étain, figurant comme éléments de décor sur les toiles. Ces dernières sont analysées scientifiquement sous la direction du professeur Coremans, directeur du laboratoire central des musées de Belgique. L'examen aux rayons X permet de découvrir les anciens tableaux, contemporains de Vermeer, que Van Meegeren a utilisés. Les analyses chimiques sont tout aussi concluantes : la peinture contient de la résine synthétique, produit fabriqué seulement depuis le XXe siècle. C'est le 12 octobre 1947 qu'a lieu le procès Van Meegeren. La salle du tribunal, dont les revues du monde entier publient des photos, ressemble à un musée, avec toutes ces toiles accrochées au mur. L'accusé, en revanche, attire beaucoup moins l'attention; avec son physique insignifiant. II n'est pas, bien sûr, poursuivi pour collaboration, mais sous l'inculpation vague de «fraude»... Les nombreux journalistes présents restent sur leur faim. Les autorités hollandaises ont tellement peur d'être ridiculisées dans cette affaire que les débats sont expédiés à toute allure. Ils ne durent que quelques heures. Et pourtant, Van Meegeren fait d'importantes révélations ! II avoue qu'il a commis beaucoup d'autres faux de peintres hollandais: Pieter De Hooch, Frans Hais, Gerard Terborch... C'est à peine si on l'écoute et le verdict tombe déjà : un an de prison. Van Meegeren demande l'autorisation de peindre dans sa cellule. Elle lui est accordée. Et ce n'est pas le travail qui va lui manquer. II peut se croire à l'orée d'une nouvelle et incroyable carrière, une carrière de faussaire officiel, en quelque sorte ! De partout, en effet, affluent des commandes pour «l'homme qui sait peindre comme Vermeer»... Mais le destin en décide autrement. Quelques jours seulement après sa condamnation, le 31 octobre 1947, Henri Van Meegeren meurt subitement d'une crise cardiaque... Il y a un second épilogue judiciaire à cette affaire... En 1952, un collectionneur hollandais, qui avait acheté en 1941, à Van Meegeren, une Cène de Vermeer pour un million six cent mille florins, refuse de s'avouer vaincu et intente un procès au professeur Coremans. Il est soutenu par un expert belge qui affirme que la résine synthétique ne provient pas de la peinture originelle, mais a été déposée par un vernis moderne. S'ensuit une nouvelle bataille d'experts, qui dure quatre ans, mais le 4 avril 1956, les héritiers du collectionneur, mort entre-temps, sont déboutés. Ils sont même condamnés à verser d'importants dommages et intérêts au professeur Coremans, dont la réputation professionnelle avait été mise en cause. Cette fois, le doute n'était plus permis : Vermeer de Delft n'a jamais été un grand peintre religieux et Meegeren de Delft a bien été le plus grand faussaire artistique de tous les temps.