Résumé de la 42e partie ■ Jonathan et Charlotte assistèrent en direct à l'empoisonnement deYolanda à travers une vidéo envoyée par l'intrus. Jonathan, il faut que tu restes ici. J'ai besoin de toi pour m'aider à retrouver le salopard qui a fait ça. Sans lui laisser le temps de protester, elle s'élança vers la sortie, le cœur battant — «Mon Dieu, faites que j'arrive à temps pour sauver Yolanda» —, manquant presque percuter au passage la vitrine où se trouvaient les pantoufles miniatures... Singapour, 1908 Avant même d'éprouver de la souffrance, la fillette se mit à hurler. L'empoignant fermement, ses deux tantes la forcèrent à s'asseoir sur le tabouret, ses petites jambes allongées devant elle, de façon à ce que ses pieds nus reposent sur les genoux de Mei-ling. Aussitôt qu'elle aperçut les bandages, l'enfant âgée de six ans se mit à crier, mais la vraie douleur n'arriva que lorsque, saisissant son pied droit, Mei-ling replia d'un geste énergique les quatre orteils sous la plante du pied. Les articulations firent entendre un craquement sourd. La petite ouvrit grande la bouche, mais aucun son n'en sortit. Raide et tremblante, elle demeura assise sur le tabouret. Et tandis que ses tantes ne cessaient de lui répéter combien elle était courageuse, et comme elle allait être belle, les doigts agiles de Mei-ling commencèrent à bander étroitement les orteils cassés, de façon à les maintenir dans leur nouvelle position recroquevillée, en ayant soin de laisser dépasser le gros orteil. Tout le monde s'accordait pour dire que l'enfant avait de la chance que ce soit Mei-ling qui lui bandât les pieds. Bien sûr, le bandage des pieds, qui consistait à broyer des os, n'était jamais une partie de plaisir, mais Mei-ling disposait d'une importante panoplie de remèdes et d'élixirs à base de plantes pour calmer la douleur et l'appréhension. Sans parler de sa présence — qui rassérénait les patients. Mei-ling était une légende vivante à Singapour : une jeune femme instruite, qui guérissait les corps malades, bien qu'elle eût, elle aussi, les pieds bandés, signe qu'elle était issue d'une famille aristocratique. L'enfant poussa une plainte déchirante et les flammes des bougies qui brûlaient sur l'autel de Kwan Yin vacillèrent, comme si la déesse avait ainsi voulu lui témoigner sa compassion. Dehors, de l'autre côté de la haute muraille qui enserrait la cour, les habitants de Singapour célébraient bruyamment la fête des morts. Tandis qu'elle bandait les pieds de l'enfant, Mei-ling laissa vagabonder son esprit. Elle se mit à songer à un rêve qu'elle avait fait quelques jours auparavant et que l'astrologue avait interprété ainsi — La fête des défunts approche, et elle apportera plus que l'esprit des morts dans la vie de Lee Mei-ling. Elle apportera un diable étranger. Il s'agissait d'un homme, lui avait expliqué la diseuse de bonne aventure, venu de l'autre côté de l'océan, blond aux yeux verts. A suivre