Alger Agé de 33 ans, Youcef est accusé de six viols et cinq meurtres de jeunes femmes, commis entre 2000 et 2003. Le 8 septembre, il a comparu devant la Cour d?assises. Après son premier meurtre, Youcef a récidivé encore et encore car des erreurs commises par la police au cours de l?enquête avaient conclu à un suicide. Il s?agissait de Lamia, retrouvée morte en février 2000, un foulard enfoncé dans la gorge avec une casserole contenant du sang sous la tête. Les policiers eux-mêmes ont admis s?être trompés. L?avocat général a fait part à l?audience «de lourdes erreurs». «Sans ces erreurs étonnantes, ma cliente aurait pu être la seule victime de cet homme», a dit l?avocat de la famille de Lamia. Youcef, qui observait d?abord un silence obstiné, a été mis à rude épreuve lorsque le père de Salima, tuée en janvier 2001, l?a menacé de mort en pleine audience. Ce n?est qu?après qu?il a accepté de rompre son silence, déclarant alors à mi-voix, pressé par son avocat : «J?ai honte de tout ce que j?ai fait.» La présentation à la barre, le même jour, de Nabila qu?il a violée mais laissée vivante en 2002, l?a conduit aussi à présenter ses excuses à la jeune fille. Les familles de ses autres victimes, mais aussi ses avocats, ses proches ou la cour l?ont pourtant supplié, en vain, de donner des détails sur ses crimes et de reconnaître la préméditation, non retenue bien que parfois plausible. Il a semblé, à un moment, prêt à une confession, lorsqu?il a répondu à la supplique d?une amie de Assia, qu?il a violée et assassinée en mars 2003, qui lui demandait s?il se mettrait un jour à genoux pour tout dire. L?accusé a alors lâché : «Sûrement.» «J?aurais aimé qu?il m?explique pourquoi il m?a laissé la vie sauve.» Le témoignage de Karima, 25 ans, n?aura pas suffi à faire tomber le masque de Youcef. Aujourd?hui, la jeune femme n?attend plus grand-chose de ce procès durant lequel ni les parties civiles ni ses avocats n?ont réussi à percer la carapace de Youcef. «Je ne sais pas, je ne sais pas», répétait-il inlassablement lorsqu?on l?interrogeait sur les circonstances exactes de ses crimes. «Je ne pense pas qu?il le dira», souligne Karima. Un sentiment partagé par les avocats de la défense qui ont tenté le tout pour le tout pour amener leur client à préciser le déroulement de ses actes. «Youcef, parle !, l?encourage doucement son avocat. ? Je ne sais pas de quoi? ? De ce qui s?est passé.» Silence. Son défenseur l?implore presque : «Tu n?es pas un animal, prouve-le.» «Dites-nous la vérité», insiste la mère de Assia, assise parmi le public, et dont le meurtre de sa fille est le troisième reproché à Youcef. «Parle», ordonne également Nadia, l?ex-compagne de l?accusé. «J?ai dit ce que j?ai fait, je ne sais pas...», se borne encore à dire l?accusé. «Dites tout simplement la vérité, conclut le président, avant d?appeler Karima à la barre. Toujours terrorisée par son agresseur, les mains tremblantes mais la voix ferme, cette jeune femme brune aux cheveux courts, vêtue de noir, raconte sa rencontre avec Youcef. Quelqu?un de sympathique, puis leur départ à une soirée, le 22 février 2000. Elle passa la soirée à danser, lui est resté au bar. Au retour dans la voiture, elle s?endort à côté de lui. Au réveil, elle se retrouve sur la banquette avec «l?impression d?être sous un monstre aux yeux révulsés». Youcef «était un animal» se souvient-elle. Elle le griffe, il la roue de coups. Elle s?évanouit. Lorsqu?elle reprend connaissance, elle trouve les mots pour le calmer. Il la viole, puis il pleure. Après avoir passé la nuit aux côtés de Youcef, Karima est amenée à l?hôpital, elle attendra deux jours avant de porter plainte. «J?avais peur.» «Peur de quoi ?» demande le président. «Qu?il revienne, vous ne vous rendez pas compte ou quoi ? de février à septembre, date de l?arrestation de Youcef, je n?ai pas dormi», réplique vivement la jeune femme.