Promenades ■ L'histoire qui va suivre est très connue chez nous. Souvent on la raconte comme un conte oriental, alors que beaucoup de gens soutiennent qu'elle a eu lieu il y a quelques siècles, quelque part dans la région de Tiaret. On raconte qu'un notable, autrefois, n'avait rien trouvé de mieux pour occuper ses longues journées d'ennui qu'admirer pendant des journées entières un gigantesque chameau qu'il avait fait venir du désert. Au début, cet animal ne sortait pas des jardins de la luxueuse et imposante demeure de son maître où il était gavé de toutes sortes de victuailles connues et inconnues, alors que la plupart des gens vivotaient tant bien que mal, sur des terres dont la générosité était loin d'être la qualité première. Mais avec le temps, le notable finit par se lasser de son animal de compagnie. Alors, il le laissait sortir, accompagné de deux gardes qui avaient pour mission de veiller sur sa quiétude durant ses promenades quotidiennes. «S'il lui arrive quoi que ce soit, leur disait-il, je vous ferai fouetter !». Le chameau errait de village en village, de vergers en potagers et de champs en rivières jusqu'au soir où il retournait dans le palais royal où l'attendait une noble literie. Et bien sûr, ces promenades n'étaient pas pour plaire aux habitants dont les maigres récoltes étaient constamment piétinées, les arbres fruitiers déracinés, les légumes écrabouillés, les eaux souillées. Parfois, l'animal s'allongeait au beau milieu d'une route, empêchant des dizaines d'hommes et de femmes de vaquer à leurs occupations. Et si l'un d'entre eux manifestait un mécontentement, les deux hommes composant l'escorte du chameau le rappelaient à l'ordre, le menaçant de toutes sortes de châtiments. Après, plus d'une année de patience, la population décida de réagir. Dans chaque bourgade, chaque village et chaque hameau se tenaient de craintifs conciliabules, tous identiques. A suivre...