Un homme pêche au bord de la rivière. Soudain, alors qu'il relève la tête, attentif au moindre animal susceptible de passer dans les environs, il voit se dresser à l'horizon la silhouette d'un homme immense. Un géant. L'homme est très effrayé. «Il va me tuer, pense-t-il. Comment faire pour lui échapper ? Je pourrais peut-être faire semblant d'être mort, raide gelé.» Et le voilà qui s'allonge par terre, feignant la mort. Au moment où le géant s'approche, l'homme retient sa respiration. Le géant se penche sur le corps pour entendre si l'homme respire. Pas un souffle. Pour s'assurer que l'homme est bien mort, il l'empoigne et le secoue dans tous les sens. «Il ne bouge pas du tout, il est bien mort», pense le géant. Il attache son fardeau avec une lanière de cuir et le jette sur son dos. L'homme contracte tous ses muscles pour avoir l'air gelé. Il fait de grands efforts pour rester bien raide et retenir sa respiration le plus longtemps possible. Ainsi, il a vraiment l'air d'être mort de froid. Au bout d'un moment, le géant, son fardeau sur le dos, traverse une région plantée de nombreux petits saules rabougris. L'homme, qui entrouvre les yeux de temps en temps, a une idée en apercevant les arbustes. «Si je m'agrippe aux saules, le géant se fatiguera et finira par me laisser sur place», se dit-il. Le voilà qui s'accroche aux branches. À chaque fois que le géant, sentant sa marche ralentie, tire, l'homme lâche la branche ; et le géant trébuche. Après avoir failli tomber plusieurs fois, le géant s'arrête pour se reposer. Il se demande pourquoi il a tant de difficultés à progresser, lui qui d'habitude fait de grandes enjambées. Pris d'un doute, il tend l'oreille pour savoir si l'homme est vivant. Rien, pas un souffle. L'homme retient sa respiration du mieux qu'il peut. Le géant se remet en marche. L'homme, à nouveau, s'agrippe de toutes ses forces aux saules et les lâche à chaque fois que le géant tire. Le géant trébuche encore et encore et finit par s'épuiser. Harassé par des heures de marche difficile, le géant arrive enfin à sa grande demeure. Il range l'homme debout près de l'entrée. Puis, exténué, il se couche sur la plate-forme qui lui sert de lit. Sa femme, géante elle aussi, voit la viande fraîche rangée dans l'entrée et va chercher du combustible pour raviver les flammes de la lampe à huile. Le pauvre homme ouvre discrètement les yeux pour voir ce qui se passe. Du coin de l'œil, il aperçoit la femme qui s'active. Il comprend qu'elle prépare le repas et que le repas ; c'est lui ! A suivre