Réaction n La destruction des sites historiques et patrimoniaux en Irak et en Syrie par les jihadistes du groupe Etat islamique (EI), a été condamnée par l'Unesco et par l'ensemble de la communauté internationale. Depuis quelques années, nous entendons quotidiennement parler de l'Etat Islamique et de la menace qu'il fait planer sur le Moyen-Orient et plus largement sur le monde. Après la cruauté envers les populations locales et les journalistes étrangers, le monde fait face à un autre type de barbarie : la violence culturelle. L'Etat Islamique (EI) est une organisation terroriste qui a pour but de créer un califat, c'est-à-dire une nation gouvernée par un calife. Ce dernier est «le commandeur des croyants (…) pour maintenir l'unité du monde islamique, assurer sa défense et son extension, préserver le dogme contre toute innovation et gouverner l'empire». La destruction et l'invasion de ces lieux de cultes millénaires permettent à Daech de les piller et de vendre des œuvres inestimables sur le marché noir. En effet, cela permet au groupe terroriste de se financer et de profiter des multiples richesses culturelles de la région. Bien évidemment, il n'arriverait pas à vendre les pièces les plus connues s'il le voulait, donc ils se rabat sur des mosaïques et autres statuettes qui peuvent être beaucoup plus facilement négociables sur le marché noir. Selon une enquête du journal britannique The Guardian, le pillage de la région d'Al-Nabuk en Syrie aurait rapporté plus de 28 millions d'euros à l'Etat Islamique. En constatant l'inexorable avancée de l'Etat Islamique, beaucoup de questions surgissent : comment réhabiliter et protéger la culture mésopotamienne ? Une intervention militaire pourrait-elle mettre fin à ces atrocités ? Tout d'abord, il faut évaluer les dégâts provoqués par les pillages et destructions perpétrées par les terroristes. Il est cependant très difficile d'accéder à des zones toujours en guerre et encore sous l'emprise de l'EI. Pour ce faire, Philippe Lalliot, ambassadeur de France auprès de l'Unesco, envisage la possibilité d'utiliser des images satellites permettant de les comparer à des images prises quelques années plus tôt, ce qui permettra un inventaire suffisamment précis afin de démarrer une mission de réhabilitation. Mais au delà de la réhabilitation des œuvres culturelles déjà endommagées, comment protéger celles qui sont encore intactes ? L'immense majorité des musulmans juge absurde la destruction volontaire d'œuvres d'art. Mais l'absurdité fait bon ménage avec le fondamentalisme : en Egypte, un leader salafiste, Abdel Moneim al-Shahat, n'a-t-il pas proposé d'enrober les têtes des statues anciennes dans un bloc de cire ? R. I./Agences l Depuis le début de l'année, Daech mène en Irak des opérations de nettoyage ethnique (contre les Yézidis et les chrétiens) doublées d'une véritable «épuration culturelle», rasant une partie des vestiges de la Mésopotamie antique, jugés «anti-islamiques». La destruction du patrimoine culturel mondial perpétrée par l'EI a un précédent historique dans les crimes commis entre 1975 et 1979 par le régime de Pol Pot et des Khmer rouges au Cambodge. Ce régime s'était employé à éradiquer le patrimoine culturel du pays, tout en imposant un règne de terreur et de meurtres de masse à la population. Les similitudes entre l'EI et les Khmer rouges ne se limitent pas à leurs attaques à l'encontre de la culture humaine. Dans les deux cas, les conditions préalables de ces atrocités avaient été créées par la destruction de sociétés entières par l'impérialisme américain. Condamnation l L'Unesco a dénoncé dans une résolution adoptée à Bonn les «attaques barbares» perpétrées par les jihadistes de l'organisation Etat islamique (EI) contre des sites archéologiques en Syrie et en Irak, les comparant à des «crimes de guerre». Un texte adopté dernièrement adopté à la 39e session du comité du patrimoine mondial de l'Unesco a condamné «les attaques barbares, les violences et les crimes perpétrés (...) à l'encontre du patrimoine culturel d'Irak» par l'organisation de l'Etat islamique, qui multiplie les exactions contre les sites archéologiques, religieux ou historiques situés dans son «califat», à cheval entre l'Irak et la Syrie. «Les attaques intentionnelles contre des bâtiments consacrés à la religion, à l'enseignement, à l'art, à la science ou à l'action caritative et contre des monuments historiques peuvent constituer des crimes de guerre», insiste l'agence culturelle de l'ONU dans sa résolution. La résolution dit aussi la «profonde préoccupation» de l'Unesco «pour le site du patrimoine mondial» de la ville antique de Palmyre (centre de la Syrie), conquis fin mai par l'EI qui l'a depuis miné, faisant craindre un désastre. Des exemples d'ailleurs «Stari most» de Mostar Pendant la guerre de Croatie opposant Serbes et Croates, le patrimoine culturel a été visé, particulièrement les lieux de culte. La vieille ville de Dubrovnik a particulièrement été touchée par les tirs d'artillerie. La ville a toutefois été reconstruite dans les années suivant le conflit. Construit en 1565, le pont «Stari most» (Vieux pont) de Mostar a été détruit en 1993 pendant la guerre de Bosnie-Herzégovine par les forces croates pour empêcher les passages bosniaques. Mais surtout, souligne l'Unesco, le joyau de l'architecture ottomane et fierté des Yougoslaves a été détruit pour sa valeur emblématique. Le pont a été reconstruit 11 ans plus tard selon les méthodes traditionnelles. Le «démon» de Saint-Pétersbourg l Près d'un millier de manifestants se sont réunis dimanche à Saint-Pétersbourg pour protester contre la dégradation dernièrement par des militants orthodoxes d'un bas-relief représentant un démon sur un immeuble du centre de l'ancienne capitale impériale. «Ce qui est arrivé est horrible. S'il est avéré que ce bas-relief a été détruit pour des motifs religieux, alors c'est un retour au Moyen-Âge. C'est inadmissible», a fustigé l'une des manifestantes, Anna Astakhova, 35 ans. Le bas-relief vandalisé, qui représentait une créature mythologique aux ailes de chauve-souris et faisait partie du fronton d'un bâtiment datant du début du XXe siècle, était inscrit au registre du patrimoine architectural. L'acte a été revendiqué dans une lettre envoyée aux médias locaux par un obscur groupuscule ultra-orthodoxe, qui se revendique «cosaques de Saint-Pétersbourg», bien que les deux associations officielles représentant la communauté cosaque dans l'ancienne capitale impériale se sont désolidarisées des auteurs de cet acte. Cet acte intervient deux semaines après la destruction à Moscou, par des militants orthodoxes, d'œuvres d'un sculpteur de l'avant-garde soviétique qu'ils jugeaient blasphématoires.