Résumé de la 1re partie n L'île fait son apparition dans l'histoire avec la description par le poète grec Apollonios de Rhodes (IIIe siècle av. J-C) du voyage de Jason et des Argonautes, revenus de Colchide avec la Toison d'Or, le long de la côte entre l'Istrie et les monts Acrocérauniens. L'intérêt stratégique de Sazan n'échappa pas à la République de Venise qui, depuis le IXe siècle, visait la maîtrise du bassin Adriatique pour y assurer le contrôle d'escales adaptées aux nécessités stratégiques et économiques de son réseau. Pour protéger ses commerçants qui étaient installés dans l'île, la République de Saint-Marc chercha à s'approprier l'île pour faciliter sa pénétration vers l'intérieur du pays. La volonté politique de dominer la côte albanaise donna naissance à un litige très long entre la Sérénissime et les Balsha, seigneurs de Scutari, mentionnés à l'époque aussi comme seigneurs de l'Albanie. Ce litige, n'ayant pu être réglé à l'amiable, se déroulait dans le cadre d'une confrontation générale entre Venise et Gênes dans les années 1378-1381, plus connue sous le nom de «guerre de Chioggia». Le conflit, qui durait depuis des années sur un front très étendu, des rives du Bosphore aux îlots de Dalmatie avait pour objet les territoires situés entre l'Istrie orientale (Fiume) et les portes de l'Albanie (Durazzo). La politique de conquête de Venise, «gendarme contesté de l'Adriatique», pour reprendre la qualification d'A. Ducellier, était celle d'une nouvelle colonisation reprenant, mais depuis l'Ouest, l'antique schéma grec. Dans l'esprit des élites dirigeantes albanaises du XXe siècle, cela rappelle la politique expansionniste, mais d'une plus grande envergure, de l'Italie envers l'Albanie dans les années 20 et 30 du XXe siècle, politique qui devait avoir par la suite des conséquences fâcheuses pour l'équilibre fragile des Balkans. Pendant l'occupation ottomane, l'île était sous la souveraineté effective de l'Empire ottoman, et fit partie du fief de Sinan Pasha, ancêtre de la famille des grands beys de Vlora. Comme le montre un document émanant de l'Administration ottomane des Fondations Pieuses (vakuf), Sinan Pasha à son tour céda l'île au XVIe siècle en emphytéose perpétuelle à un vakuf (fondation pieuse) de Kanina. À l'occasion de la cession par la Grande-Bretagne des îles Ioniennes à la Grèce (1864), le gouvernement grec, arguant du fait que sur certaines cartes géographiques antiques l'îlot figurait comme appartenant au groupe micronésien de Corfou, éleva en 1866 des prétentions sur l'île. Cette revendication fut renouvelée par la Grèce en 1871, lors de la construction par l'Administration des Phares Ottomans du premier phare de l'île. A suivre