Bras de fer n Les deux chambres du Parlement burundais, réunies en Congrès extraordinaire, ont dénoncé, hier, l'annonce par l'Union africaine (UA) du déploiement d'une mission de maintien de la paix dans ce pays englué dans une grave crise politique depuis huit mois. Dans sa déclaration finale, le Congrès a exhorté le gouvernement burundais à «ne pas hypothéquer la souveraineté» du pays en cédant à l'UA. Il a aussi rappelé le principe de «non ingérence d'un Etat membre (de l'UA) dans les affaires intérieures d'un autre membre». Le Congrès a également tenu à «rassurer l'Union africaine qu'il n'y a pas de génocide en préparation ou en cours» au Burundi, estimant que les mises en garde de la communauté internationale contre un possible génocide n'étaient que des rumeurs sans fondement. «Le Burundi est un pays en paix», les violences ne touchant que quelques quartiers isolés de Bujumbura, a ainsi assuré Pascal Nyabenda, président à la fois du CNDD-FDD, le parti au pouvoir, et de l'Assemblée nationale. La convocation en Congrès de l'Assemblée nationale et du Sénat, deux chambres complètement dominées par le CNDD-FDD, est un événement rare - c'est une première depuis le début de la crise fin avril -, qui témoigne du fait que le moment est jugé grave par le pouvoir. Dans sa déclaration, le Congrès s'est aussi «indigné du silence» de l'UA sur les agissements du Rwanda, qu'il accuse de mettre sur pied une rébellion en recrutant dans les camps de réfugiés burundais sur son sol. L'UA avait décidé vendredi de créer une Mission africaine de prévention et de protection au Burundi (Maprobu), forte de 5 000 hommes et pour une durée de six mois renouvelables, afin d'y enrayer le cycle des violences, accentuant ainsi la pression sur le gouvernement burundais. Le Conseil de paix et de sécurité de l'UA, qui a autorisé cette Mission, avait donné quatre jours à Bujumbura pour accepter ce déploiement, faute de quoi le bloc panafricain prendrait des «mesures supplémentaires» pour s'assurer qu'il ait lieu. Bujumbura n'a même pas attendu la fin de cet ultimatum pour opposer un refus catégorique. «Si les troupes de l'UA venaient sans l'aval du gouvernement, il s'agirait alors d'une force d'invasion et d'occupation» et le gouvernement burundais se réserverait «le droit d'agir en conséquence», a prévenu, dimanche, Jean-Claude Karerwa, porte-parole adjoint du président Pierre Nkurunziza. Le Burundi est plongé dans une profonde crise politique depuis la candidature fin avril de M. Nkurunziza à un troisième mandat. La mise en échec d'un coup d'Etat en mai, la répression brutale de six semaines de manifestations quasi-quotidiennes à Bujumbura à la mi-juin et la réélection de M. Nkurunziza lors d'un scrutin controversé à la mi-juillet n'ont pas empêché l'intensification des violences, désormais armées. R. I./ Agences Un deuxième Rwanda ? l La communauté internationale estime que la radicalisation du pouvoir ces dernières semaines fait peser sur le Burundi le risque d'un génocide. «L'Afrique ne permettra pas un autre génocide sur son sol», a affirmé la semaine dernière le Conseil de paix et de sécurité de l'UA, en référence au Rwanda, où le génocide de 1994 a fait 800 000 morts, essentiellement au sein de la minorité tutsi. L'ancien président burundais Pierre Buyoya a également mis en garde contre «un risque de génocide» au Burundi et dénoncé la volonté des dirigeants actuels du pays d'ethniciser la crise. L'ONU espère que Bujumbura revienne sur sa décision l L'ambassadrice américaine à l'ONU Samantha Power a dit, hier lundi, espérer que le gouvernement burundais reviendra sur sa décision de refuser le déploiement dans le pays d'une mission de l'Union africaine (UA) pour tenter de stopper les violences. «Nos collègues africains nous disent que les discussions continuent avec le gouvernement burundais», a-t-elle déclaré à la presse. «Nous espérons que ce n'est pas la réponse finale de Bujumbura», a ajouté Mme Power qui préside en décembre le Conseil de sécurité de l'ONU. Elle a aussi rappelé l'importance de la médiation entreprise par le président ougandais Yoweri Museveni qui «est très impatient de commencer, vers la fin du mois» des négociations. Celles-ci devraient impliquer le gouvernement et «un échantillon large et représentatif de l'opposition», a-t-elle souligné. «Il faut faire des progrès sur ce point», a-t-elle ajouté.