Constat n Dans un contexte de dégradation de l'ordre public, d'effondrement de la loi et de luttes internes, des groupes ayant prêté allégeance à l'EI, ont pris le contrôle et consolidé leur emprise sur des portions du territoire libyen. Aux portes de l'Europe, le nouveau foyer jihadiste qui se développe en Libye alimente les pires craintes du Vieux Continent mais inquiète aussi les voisins immédiats du pays, qui craignent un renforcement de leurs propres groupes radicaux, soulignent les experts. «La Libye est aujourd'hui le plus grand foyer terroriste au monde», affirme Mazen Chérif, expert tunisien en questions militaires et stratégiques. Contrairement à l'Irak ou la Syrie où une coalition internationale mène des raids aériens contre le groupe Etat islamique (EI), sa branche en Libye a le champ libre, profitant du chaos généralisé, note-t-il. La filiale libyenne du groupe de l'EI est déjà bien implantée dans plusieurs villes, de Derna à l'est à Sabratha à l'ouest, en passant par Syrte dans le centre. Un autre groupe jihadiste, Ansar charia, est implanté à Benghazi, deuxième ville du pays. L'EI dispose en outre en Libye d'un accès à la mer, dans un pays qui constitue la source principale de l'immigration clandestine vers les côtes européennes, et notamment l'Italie. «Les gouvernements occidentaux sont effrayés par des foyers, des sanctuaires qui sont en train de se créer sur le même modèle à chaque fois lorsque l'Etat s'effondre» et qui peuvent devenir une menace pour la région et servir de base pour «préparer des attentats contre l'Europe», explique Arthur Quesnay, expert en sciences politiques à l'université parisienne de la Sorbonne. Les pays voisins craignent aussi de faire les frais de la montée en puissance des jihadistes. L'Egypte, déjà aux prises avec ses propres extrémistes dans la péninsule du Sinaï, est déjà montée au créneau en bombardant des positions de l'EI après l'exécution de ses citoyens. L'Algérie voisine est aussi sur les dents, car «ces groupes visent en premier lieu l'Algérie, ainsi que la Tunisie», affirme Mazen Chérif. D'autant qu'un grand nombre des membres du groupe extrémiste Ansar charia en Tunisie, pourchassé par les autorités, est venu grossir les rangs des groupes radicaux en Libye. Plus au sud, les jihadistes libyens ont développé des liens avec les groupes radicaux du nord du Mali et avec Boko Haram au Nigeria, selon les experts. «C'est une nébuleuse qui est en train de se construire», explique Arthur Quesnay, selon lequel «pour l'instant, il ne semblerait pas qu'il y ait un commandement unifié». L'UE promet un soutien, y compris financier l L'Union européenne a promis vendredi de soutenir, y compris financièrement, la Libye dans la lutte contre le terrorisme et le groupe Etat islamique (EI), dès la mise en place du gouvernement d'union prévu par l'accord signé sous l'égide de l'ONU. «Ce dont nous avons discuté longtemps, c'est le soutien que l'UE peut apporter (...) à un gouvernement d'union nationale sur la sécurité», a déclaré la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, à l'issue de plusieurs heures d'entretiens avec des responsables libyens à Tunis. Ce soutien concernera «en particulier la lutte contre le terrorisme et notamment contre Daech (acronyme arabe de l'EI). C'est une lutte commune des Libyens et des Européens», a poursuivi Mme Mogherini. Elle a notamment indiqué que l'UE avait «préparé un plan de soutien pour la Libye à hauteur de 100 millions d'euros, immédiatement disponibles (...) dès l'entrée en fonctions» de ce gouvernement d'unité. L'aide sécuritaire européenne pourra également intervenir dans les domaines de la «formation» et du «conseil», a ajouté la diplomate italienne. Federica Mogherini a toutefois souligné que cette lutte devait «être menée en premier lieu par les Libyens» eux-mêmes. «La meilleure façon de répondre aux attaques de Daech, c'est l'unité des Libyens et leur propre lutte contre le terrorisme», a-t-elle avancé. Inquiétudes occidentales l L'ONU s'efforce de mettre en place un gouvernement d'union et M. Kobler a souligné la nécessité pour le Parlement légitime d'approuver rapidement sa formation, prévenant que tout retard profiterait à l'EI. Un accord prévoyant un tel gouvernement a été signé sous l'égide de l'ONU le 17 décembre par des membres des deux Parlements rivaux, et doit être entériné avant le 17 janvier. Condamnant fermement les attentats, l'Union européenne, la France, l'Italie et les Etats-Unis ont encouragé les Libyens à s'unir face «au terrorisme» et à appliquer «d'urgence» l'accord sur le gouvernement national. Les Occidentaux poussent les Libyens à former un seul gouvernement, qu'ils pourront soutenir face aux jihadistes. L'EI compte environ 3 000 combattants en Libye selon Paris. Les Occidentaux redoutent que le groupe s'enrichisse en prenant le contrôle des hydrocarbures, déstabilise l'Afrique sur le flanc sud, et exporte des jihadistes vers l'Europe. Pour l'expert libyen Mohamed Eljarh, du Centre Rafic-Hariri pour le Moyen-Orient basé à Washington, il est peu probable que l'attentat de Zliten favorise les efforts d'unité. «Cela n'a pas été le cas dans le passé même quand l'EI a intensifié ses attaques (...). Les différents groupes politiques restent focalisés sur leur lutte pour le pouvoir».