Manipulation n On leur apprenait par exemple que l'invasion des Beni Hillal était aussi barbare que celle des Turcs, que l'Emir Abdelkader était un grand ami de la France et que le Prophète (Qsssl) était un illuminé. Tous les jeunes nés après le 5 Juillet 1962, quel que soit le degré de leur culture et de leur ouverture d'esprit, n'ont pratiquement aucune connaissance de ce qui a changé dans ce pays avec l'indépendance nationale. Ils ont ouvert les yeux dans un pays souverain, tout prêt à l'emploi ou rien, ou presque, ne leur manque. Si cette génération a parfaitement conscience des sacrifices et des martyrs consentis par son peuple, elle ignore au fond ce qui a réellement changé dans le pays. Mais peut-on la blâmer, dans la mesure où elle est dans l'impossibilité de faire la différence réelle entre ce qui se passait dans l'Algérie coloniale et le modèle de pays qu'on lui propose aujourd'hui ? D'abord les Algériens n'avaient pas le titre d'Algériens, on leur déniait ce titre. On les appelait les indigènes ou les musulmans et en aparté entre colons on les surnommait les «melons» et «ratons» ou les «bicots». Ce n'était pas l'apartheid comme en Afrique du Sud, car ils pouvaient emprunter les mêmes trottoirs que les Blancs et les mêmes transports. Mais certains établissements publics leur étaient carrément interdits, comme les boulodromes par exemple, certains spectacles cinématographiques de plein air sous prétexte que les projections étaient privées. Sur le plan de l'enseignement, la formation des Algériens était biaisée dès le primaire. On leur apprenait par exemple que l'invasion des Beni Hillal était aussi barbare que celle des Turcs, que l'Emir Abdelkader était un grand ami de la France et que le Prophète (Qsssl) était un illuminé. La leçon d'histoire était écrite noir sur blanc par les éditions pro-juives Fernand Nathan. Pour le concours de la classe de 6e et donc l'entrée au collège, les musulmans étaient filtrés, souvent en échec et parfois même abandonnés malgré leur réussite faute... de places au collège. Le trousseau était tellement cher qu'un élève sur deux arrivait à franchir la porte du collège. Quant aux recalés, ils devaient passer le certificat d'études en fin d'année. Toujours dans le cycle primaire. Avec le CEP, le sésame de l'époque, les Algériens étaient censés écrire des lettres administratives, éviter des fautes d'orthographe, faire partie du 2e collège pour voter et surtout pour occuper un emploi de manœuvre qualifié dans l'agriculture. Bref, on les préparait au métier de métayer chez les colons.