Roman Le café littéraire a ouvert la saison 2004/2005 à la Bibliothèque nationale par une rencontre avec l?écrivain Kamal Bouayad, qui a présenté son livre Les Sans-Destin. Le roman, coédité par les éditions Dahlab et l?Enag, raconte l?émigration clandestine des Africains, leur traversée du c?ur de l?Afrique jusqu?au Maroc en passant par l?Algérie, et leur débarquement sur les côtes ibériques. «Je vis en Espagne, raconte l?écrivain, et j?ai vécu le rush des émigrés clandestins qui arrivaient en Espagne. J?ai vu des barques échouer sur les plages. J?ai vu les survivants comme j?ai vu aussi les morts. L?événement a fait la une des médias, puis la réalité s?est étendue dans le temps et le fait, lui-même, est devenu banal. Les gens, devenant insensibles, n?en parlent plus, alors que la situation persiste. Alors une voix intérieure m?a dit d?écrire sur l?émigration clandestine des Africains.» Profondément touché par les conditions de vie inhumaines de ces hommes et femmes, révolté par cette indifférence, une voix intérieure dictait alors à Kamel Bouayed la manière de réagir contre cette injustice qui les frappait, dont les causes à caractère économique, sociologique et politique s'ancrent dans le passé et le présent. Il ajoute : «D?abord, c?était un article, puis j?ai ressenti le besoin d?approfondir le sujet. J?ai donc commencé à faire des recherches, à me documenter, j?ai visité des refuges pour les clandestins et parlé avec eux. J?ai visité également des associations et des organismes de la Croix-Rouge.» A travers son roman, Kamal Bouayed a voulu rendre hommage à tous ces «naufragés du temps», ces «damnés de la terre», ces «exclus du développement et de la mondialisation» qui partent contre vents et marées à la recherche de l'eldorado européen. «Je voulais par mon livre lever le voile sur une réalité faite d?horreur et de désespoir. Je voulais sensibiliser les gens en leur racontant l?odyssée de l?enfer de ces Africains qui n?ont qu?une seule devise : continuer. Ils n?ont pas le droit de revenir, de rebrousser chemin, car les dés sont jetés. Par mon livre, je voulais que les Algériens sachent cette réalité et l?existence d?un campement, celui de Ouerdeffou, à Maghnia, afin de s?y impliquer.» L?écrivain circonscrit le phénomène, celui de l?émigration clandestine, devenu un fléau mondial, dans une politique gouvernementale des pays africains et européens qui devrait résoudre ce phénomène et aider ces êtres humains à vivre leur espoir, leurs aspirations et leur devenir dans leurs propres pays. Le roman raconte un drame, une tragédie, celle de ces milliers d?hommes et de femmes qui ont quitté leur terre natale pour un long périple à l?issue incertaine. Tous, dans leur pénible traversée, doivent survivre, résister à une situation où «la frontière entre la vie et la mort est si mince, trop insignifiante, tellement banale».